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venir en a été réveillé par quelqu’un ; il a produit une impression visible sur l’Empereur. « Journée incompréhensible ! a-t-il prononcé avec douleur… Concours de fatalités inouïes !… Grouchy !… Ney !… d’Erlon !… N’y a-t-il eu que du malheur ! Ah ! pauvre France !… » Et il s’est couvert les yeux de la main. « Et pourtant, disait-il, tout ce qui tenait à l’habileté avait été accompli !… tout n’a manqué que quand tout avait réussi !… »

Dans un autre moment, il disait, sur le même sujet : « Singulière campagne, où, dans moins d’une semaine, j’ai vu trois fois s’échapper de mes mains le triomphe assuré de la France et la fixation de ses destinées.

« Sans la désertion d’un traître, j’anéantissais les ennemis en ouvrant la campagne.

« Je les écrasais à Ligny, si ma gauche eut fait son devoir.

« Je les écrasais encore à Waterloo, si ma droite ne m’eût pas manqué.

« … . . . . . Singulière défaite, où, malgré la plus horrible catastrophe, la gloire du vaincu n’a point souffert, ni celle du vainqueur augmenté : la mémoire de l’un survivra à sa destruction ; la mémoire de l’autre s’ensevelira peut-être dans son triomphe ! »