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hiérarchique. Si c’étaient seulement des ministres, qui tous d’ailleurs avaient faculté de se présenter au Conseil quand bon leur semblait, ceux-ci prenaient place sur les files latérales, en tête des premiers conseillers d’État. Une grande enceinte intérieure restait vide ; elle n’était jamais traversée que par l’Empereur ou les membres du Conseil quand ils allaient lui prêter serment.

Des huissiers, même pendant les délibérations, parcouraient silencieusement la salle pour le service des membres du Conseil. Chacun de ceux-ci d’ailleurs se levait à son gré, et circulait extérieurement pour chercher auprès de ses collègues les renseignements particuliers dont il eût pu avoir besoin.

Les pourtours supérieurs de la salle représentaient des peintures allégoriques relatives aux fonctions du Conseil d’État : telles que la Justice, le Commerce, l’Industrie, etc., etc. ; et enfin le plafond se trouvait décoré du beau tableau de la bataille d’Austerlitz par Gérard ; ainsi c’était sous un des plus beaux lauriers dont Napoléon ait ennobli la France qu’il administrait son intérieur.

C’est dans cet endroit que, durant près de dix-huit mois, j’ai joui de la satisfaction inappréciable d’assister régulièrement deux fois la semaine à des séances si précieuses par leur intérêt spécial, et bien plus encore par la présence de l’Empereur ; qui n’y manquait jamais, et semblait en être réellement l’âme et la vie. C’est là que je l’ai vu prolonger quelquefois les séances depuis onze heures du matin jusqu’à neuf heures du soir, et montrer à la fin autant de facilité, d’abondance, de fraîcheur d’esprit et de tête qu’en commençant, lorsque nous autres nous tombions tous de lassitude et de fatigue.

Quand la cour était à Saint-Cloud, c’était là que le Conseil était convoqué ; mais quand la séance y était indiquée de trop bon matin, ou s’annonçait devoir être trop longue, alors il arrivait à l’Empereur de la suspendre, pour qu’on pût prendre quelque nourriture, et il s’élevait alors dans quelques pièces voisines, pour les besoins du Conseil, une certaine quantité de petites tables des plus magnifiquement servies, et surtout comme par enchantement ; car, pour le dire en passant, rien ne saurait donner une juste idée de l’espèce de féerie en toutes choses dont nous avons été les témoins dans les palais impériaux.

L’heure de la séance du Conseil était indiquée chaque fois dans nos lettres de convocation ; en général, c’était pour onze heures.

Quand un nombre suffisant de membres était arrivé, l’archichancelier, qu’on y trouvait toujours le premier, et qui présidait le Conseil