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homme, et il le fera, j’en suis sûr. – Mais il m’a donné à entendre, disait-elle… – Non, disait Alexandre, et vous n’avez rien à lui reprocher. » Enfin elle vint. Napoléon, qui n’avait plus à se défendre, n’en fut que plus aimable pour elle. Elle joua quelques moments le rôle de coquette offensée ; et le dîner fini, quand elle voulut se retirer, Napoléon la reconduisant, arrivé au milieu de l’escalier où il s’arrêtait, elle lui serra la main, et lui dit avec une espèce de sentiment : « Est-il possible qu’ayant eu le bonheur de voir d’aussi près l’homme du siècle et de l’histoire, il ne me laisse pas la liberté et la satisfaction de pouvoir l’assurer qu’il m’a attachée pour la vie !… – Madame, je suis à plaindre, lui répondit gravement l’Empereur ; c’est un effet de ma mauvaise étoile. » Et il prit congé d’elle.

Arrivée à sa voiture, elle s’y jeta en sanglotant, fit appeler Duroc qu’elle estimait beaucoup, lui renouvela toutes ses plaintes, et lui dit, en montrant le palais : « Voilà une maison où l’on m’a cruellement trompée. »

« La reine de Prusse, disait l’Empereur, avait certainement des moyens, beaucoup d’instruction et une grande habitude ; elle régnait véritablement depuis plus de quinze ans. Aussi, en dépit de mon adresse et de tous mes efforts, se montra-t-elle constamment maîtresse de la conversation, la domina toujours, revint sans cesse à son sujet, peut-être trop, mais du reste avec une grande convenance, et