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La reine était à table entre les deux empereurs, qui firent assaut de galanterie. On s’était placé d’après la bonne oreille d’Alexandre : il en est une dont il entend à peine. Le soir venu, et la reine retirée, l’Empereur, qui n’avait cessé d’être de la plus grande amabilité, mais qui s’était vu pourtant souvent poussé à bout, résolut d’en finir. Il manda M. de Talleyrand et le prince Kourakin, parla de la grosse dent ; et lâchant, dit-il, les gros mots, fit sentir qu’après tout une femme et la galanterie ne pouvaient ni ne devaient altérer un système conçu pour les destinées d’un grand peuple ; qu’il exigeait que l’on conclût à l’instant, et que l’on signât de suite ; ce qui fut fait comme il l’avait voulu. « Ainsi la conversation de la reine de Prusse, disait-il, avança le traité de huit ou quinze jours. » Le lendemain, la reine se préparait à venir renouveler ses attaques ; elle fut indignée quand elle apprit la signature du traité. Elle pleura beaucoup, et résolut de ne plus voir l’empereur Napoléon. Elle ne voulait pas accepter son second dîner. Alexandre fut obligé d’aller lui-même la décider ; elle jetait les hauts cris, elle prétendait que Napoléon lui avait manqué de parole. Mais Alexandre avait toujours été présent. Il avait été un témoin même dangereux, prêt à témoigner en sa faveur au moindre geste, à la moindre parole échappés à Napoléon, « Il ne vous a rien promis, lui disait-il ; si vous pouvez me prouver le contraire, je m’engage ici à le lui faire tenir d’homme à