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ruine !… » Elle sollicitait, suppliait, implorait. Magdebourg surtout était l’objet de ses vœux. L’Empereur eut à se tenir le mieux qu’il put ; heureusement le mari arriva ; la reine, d’un regard expressif, réprouva ce contretemps, et montra de l’humeur. « En effet, le roi essaya de mettre son mot dans la conversation, gâta toute l’affaire, et je fus délivré, » dit l’Empereur.

L’Empereur eut la reine à dîner : elle déploya, disait-il, vis-à-vis de lui tout son esprit, elle en avait beaucoup ; toutes ses manières, elles étaient fort agréables ; toute sa coquetterie, elle n’était pas sans charmes. « Mais j’étais résolu de tenir bon, ajoutait-il ; toutefois il me fallut beaucoup d’attention sur moi-même pour demeurer exempt de toute espèce d’engagement et de toute parole douteuse, d’autant plus que j’étais soigneusement observé, et tout particulièrement par Alexandre. »

Un instant avant de se mettre à table, Napoléon s’étant approché d’une console y avait pris une très belle rose, qu’il présenta à la reine, dont la main exprima d’abord une espèce de refus apprêté ; mais, se ravisant aussitôt, elle dit : Oui, mais au moins avec Magdebourg. Sur quoi l’Empereur lui répliqua : « Mais je ferai remarquer à Votre Majesté que c’est moi qui la donne, et vous qui allez la recevoir. » Le dîner et tout le reste du temps se passa de la sorte.