Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/721

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

garantissent les citoyens de l’arbitraire et des usurpations de la féodalité, des institutions qui raniment l’industrie, l’agriculture et les arts. Vous leur peindrez l’état de tranquillité et d’aisance dont jouit la France, malgré les guerres où elle s’est toujours engagée ; la splendeur de la religion, qui doit son établissement au concordat que j’ai signé avec le pape. Vous leur démontrerez les avantages qu’ils peuvent tirer d’une régénération politique : l’ordre et la paix dans l’intérieur, la considération et la puissance dans l’extérieur. Tel doit être l’esprit de vos discours et de vos écrits. Ne brusquez aucune démarche ; je puis attendre à Bayonne, je puis passer les Pyrénées, et, me fortifiant vers le Portugal, aller conduire la guerre de ce côté.

« Je songerai à vos intérêts particuliers, n’y songez pas vous-même… Le Portugal restera à ma disposition. Qu’aucun projet personnel ne vous occupe et ne dirige votre conduite : cela me nuirait, et vous nuirait encore plus qu’à moi.

« Vous allez trop vite dans vos instructions du 14 ; la marche que vous prescrivez au général Dupont est trop rapide, à cause de l’évènement du 19 mars. Il y a des changements à faire ; vous donnerez de nouvelles dispositions, vous recevrez des instructions de mon ministre des affaires étrangères.

« J’ordonne que la discipline soit maintenue de la manière la plus sévère : point de grâce pour les plus petites fautes. L’on aura pour l’habitant les plus grands égards. L’on respectera principalement les églises et les couvents. L’armée évitera toute rencontre, soit avec des corps de l’armée espagnole, soit avec des détachements : il ne faut pas que, d’aucun côté, il soit brûlé une amorce.

« Laissez Solano dépasser Badajoz, faites-le observer ; donnez vous-même l’indication des marches de mon armée, pour la tenir toujours à une distance de plusieurs lieues des corps espagnols. Si la guerre s’allumait, tout serait perdu.

« C’est à la politique et aux négociations qu’il appartient de décider des destinées de l’Espagne. Je vous recommande d’éviter des explications avec Solano, comme avec les autres généraux et les gouverneurs espagnols.

« Vous m’enverrez deux estafettes par jour. En cas d’évènements majeurs, vous m’expédierez des officiers d’ordonnance. Vous me renverrez sur-le-champ le chambellan qui vous porte cette dépêche ; vous lui remettrez un rapport détaillé.