Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/705

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vices et leurs fournitures au poids de l’or et des concessions.

« Quand toute l’Europe s’égorge à la faveur de leurs intrigues et de leurs subsides, eux ne s’occupent à l’écart que de leur propre sûreté, des avantages de leur commerce, de la souveraineté des mers et du monopole du monde. Pour moi, je n’avais jamais rien fait de tout cela, et jusqu’à la malheureuse affaire d’Espagne, qui du reste ne vient qu’après celle de Copenhague, je puis dire que ma moralité demeure inattaquable. Mes transactions avaient pu être tranchantes, dictatoriales, mais jamais perfides.

« Et que l’on s’étonne à présent, que l’on se demande comment il s’est fait qu’en 1814, l’Angleterre ayant été la vraie libératrice de l’Europe, aucun Anglais néanmoins n’ait pu faire un pas sur le continent sans trouver partout les malédictions, la haine, l’exécration !… C’est que tout arbre porte son fruit, que l’on ne recueille que ce que l’on a semé, et que tel devait être le résultat infaillible des méfaits de l’administration anglaise, de la dureté, de l’insolence des ministres à Londres, et de celle de leurs agents par tout le globe.

« Depuis un demi-siècle, les ministères anglais ont toujours été en baissant de considération et d’estime publiques. Jadis ils étaient disputés par de grands partis nationaux, caractérisés par de grands systèmes distincts ; aujourd’hui ce ne sont plus que les débats d’une même oligarchie, ayant toujours le même but, et dont les membres discordants s’arrangent entre eux, à l’aide de concessions et de compromis : ils ont fait du cabinet de Saint-James une boutique.

« La politique de lord Chatam pouvait avoir ses injustices ; mais il les proclamait du moins avec audace et énergie : elles avaient une certaine grandeur. M. Pitt y a introduit l’astuce et l’hypocrisie ; lord Castlereagh, son soi-disant héritier, y a réuni le comble de toutes les sortes de turpitudes et d’immoralités. Chatam se faisait gloire d’être un marchand ; lord Castlereagh, au grand détriment de sa nation, s’est donné la jouissance de faire le Monsieur ; il a sacrifié son pays pour fraterniser avec les grands du continent, et dès lors a joint les vices du salon à la cupidité du comptoir ; la duplicité, la souplesse du courtisan, à la dureté, à l’insolence du parvenu.

« La pauvre constitution anglaise est gravement compromise aujourd’hui : il y a loin de là aux Fox, aux Sheridan, aux Gray ; à ces grands talents, à ces beaux caractères de l’opposition, que l’oligarchie victorieuse a tant bafoués. »

« Lord Cornwalis, disait l’Empereur, est le premier Anglais qui