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toute la correspondance de la France lui eurent appris que sa proclamation avait du soir au matin changé tout à fait l’esprit de l’intérieur, alors seulement il s’aperçut qu’il avait trop fait. Nous nous rangerions d’autant plus volontiers de cette opinion, que nous ne saurions comprendre comment Napoléon aurait pensé sérieusement à conserver trois directeurs dont il ne faisait aucun cas. Celui de tous qu’il estimait (Carnot) était du parti opposé, et nous savons qu’il était indigné de la corruption ou de la faiblesse des autres.

« Le nommé Bottot, agent intime de Barras, fut expédié auprès de Napoléon avec la mission secrète de le pénétrer, et de savoir pourquoi il n’avait pas envoyé les trois millions dont le Directoire avait eu tant de besoin.

« Bottot joignit le général français à Passeriano ; il intrigua beaucoup dans les alentours de Napoléon ; mais il trouva chacun très chaud pour le parti qui avait triomphé ; et, ayant quelques intérêts à traiter pour lui-même, il finit par avouer, dans quelques conversations intimes, le secret de sa mission et les soupçons vagues du Directoire. Il avait été facilement détrompé par la simplicité de l’entourage du général, la franchise de Napoléon, et surtout l’élan de toute l’armée et celui de l’Italie entière en sa faveur. Mais le Directoire eût-il eu raison, il n’eût pas été difficile, au milieu de cette atmosphère, avec des prévenances et quelques conversations naïves et simples, d’ôter à Bottot jusqu’au plus petit ombrage. Aussi écrivit-il à Paris que les craintes conçues n’étaient que de véritables chimères, bien moins dangereuses que le mauvais esprit des gens qui voulaient les faire croire. Mais les trois millions, lui disait-on, d’où peut venir ce refus ? – Napoléon avait prouvé que l’ordre envoyé par le Directoire était mystérieux, irrégulier, et qu’environné de fripons qui avaient déjà si notoirement volé le trésor, il avait dû s’assurer prudemment de la vérité ; qu’il avait aussitôt expédié à Paris son aide de camp de confiance Lavalette, et qu’aussitôt que Lavalette lui eut mandé le véritable état des choses, les trois millions partaient lorsque la journée se trouva décidée. »


Sur la diplomatie anglaise – Lords Whitworth, Chatam, Castlereagh, Cornwalis, Fox, etc..


Lundi 10.

Aujourd’hui la suite de la conversation a conduit l’Empereur à dire que rien n’était dangereux et perfide comme les conversations officielles avec les agents diplomatiques anglais. « Les ministres anglais, disait-il,