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l’Empereur, moi je l’ai bien été sept ans, et vous voyez qu’après tout, cela n’empêche pas de faire son chemin. » Tout le monde de rire, et le jeune officier, subitement refroidi, d’aller reprendre son rang. En tout, rien n’était plus commun que de voir les individus s’attaquer à l’Empereur et lui tenir tête.

Je l’ai vu maintes fois, dans de vives et chaudes réclamations, ne pouvoir obtenir la dernière parole, et prendre le parti de céder, en passant à d’autres personnes ou en changeant de sujet.

Principe général. Les actes de l’Empereur, quelque passionnés qu’ils parussent, étaient toujours accompagnés de calculs. « Quand un de mes ministres, disait-il, ou quelque autre grand personnage avait fait une faute grave, qu’il y avait vraiment lieu à se fâcher, que je devais vraiment me mettre en colère, être furieux, alors j’avais toujours le soin d’admettre un tiers à cette scène ; j’avais pour règle que quand je me décidais à frapper, le coup devait porter sur plusieurs ; celui qui le recevait ne m’en voulait ni plus ni moins ; et celui qui en était le témoin, dont il eût fallu voir la figure et l’embarras, allait discrètement transmettre au loin ce qu’il avait vu et entendu : une terreur salutaire circulait de veine en veine dans le corps social. Les choses en marchaient mieux ; je punissais moins, je recueillais infiniment, et sans avoir fait beaucoup de mal. »