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qui leur paraissait indécent, d’autres, au contraire, appuyant pour qu’on en admît la lecture. De l’Institut, la querelle se répandit dans Paris ; elle remplit et divisa bientôt tous les cercles de la capitale. L’Empereur, à qui tout parvenait, et qui voulait tout connaître, se fit apporter ce discours : il le trouva de la dernière extravagance, et en prononça sur-le-champ l’interdiction. Un de ses grands officiers (M. de Ségur), membre de l’Institut, qui avait opiné vivement pour la lecture du discours, lui servit à l’un de ses couchers à manifester son opinion : « Et depuis quand, Monsieur, lui dit-il avec sévérité, l’Institut se permet-il de devenir une assemblée politique ? Qu’il fasse des vers, qu’il censure les fautes de la langue, mais qu’il ne sorte pas du domaine des Muses ou je saurai l’y faire rentrer. Est-ce bien vous, Monsieur, qui avez voulu autoriser une pareille diatribe ? Que M. de Châteaubriand ait de l’insanité ou de la malveillance, il y a pour lui des petites-maisons ou un châtiment ; et puis peut-être encore est-ce son opinion, et il n’en doit pas le sacrifice à ma politique qu’il ignore, comme vous qui la connaissez si bien : il peut avoir son excuse ; vous ne sauriez avoir la vôtre, vous qui vivez à mes côtés, qui savez ce que je fais, ce que je veux. Monsieur, je vous tiens pour coupable, pour criminel ; vous ne tendez à rien moins qu’à ramener le désordre, la confusion, l’anarchie, les massacres. Sommes-nous donc des bandits, et ne suis-je qu’un usurpateur ? Je n’ai détrôné personne, Monsieur ; j’ai trouvé, j’ai relevé la