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puyer de son influence dans l’opinion, et lui donna lecture d’un message aux Conseils, qui déclarait la guerre à l’Autriche, et d’un décret qui lui donnait à lui-même le commandement de l’armée d’Allemagne. Il ne partagea pas l’opinion du Directoire. Si vous vouliez la guerre, il fallait vous y préparer indépendamment de l’évènement de Bernadotte ; il fallait ne pas engager vos troupes en Suisse, dans l’Italie méridionale, sur les bords de l’Océan ; il fallait ne pas proclamer le projet de réduire l’armée à cent mille hommes, projet qui n’est pas encore exécuté, il est vrai, mais qui est connu, et décourage l’armée. Ces mesures indiquent que vous aviez compté sur la paix. Bernadotte a matériellement tort : en déclarant la guerre, c’est le jeu de l’Angleterre que vous jouez. Ce n’est pas connaître la politique du cabinet de Vienne que de croire que s’il eût voulu la guerre, il vous eût insulté. Il vous aurait caressé, endormi, pendant qu’il ferait marcher ses troupes. Vous n’auriez connu ses véritables intentions que par son premier coup de canon. Soyez sûrs que l’Autriche vous donnera toute satisfaction. Ce n’est point avoir un système politique, que d’être entraîné ainsi par tous les évènements. La force de la vérité calma le gouvernement. L’Autriche donna des satisfactions ; les conférences de Seltz eurent lieu ; mais cet incident retarda l’expédition d’Égypte de quinze jours.

VI. Retard de l’expédition d’Égypte. — Napoléon commença à craindre qu’au milieu des orages que l’impéritie du gouvernement et la nature des choses accumulaient autour de nous, cette entreprise ne fût funeste aux vrais intérêts de la patrie ; il témoigna sa pensée au Directoire : L’Europe, disait-il, n’était rien moins que tranquille. Le congrès de Rastadt ne se terminait pas ; on était obligé de garder des troupes dans l’intérieur, pour s’assurer des élections et comprimer les départements de l’Ouest. Il proposait de contremander l’expédition, d’attendre des circonstances plus favorables.

Le Directoire, alarmé, soupçonnant qu’il avait le projet d’aspirer à la direction des affaires, n’en fut que plus ardent à presser l’expédition, d’autant plus qu’il ne sentait pas toutes les conséquences des changements qu’il avait faits dans le système public. Selon lui, l’évènement de la Suisse, loin de nous affaiblir, nous donnait d’excellentes positions et les troupes helvétiques pour auxiliaires. L’affaire de Rome était terminée, puisque le pontife était déjà à Florence, et la république romaine proclamée ; et celle de Bernadotte ne devait plus avoir de suites, car l’empereur avait offert des réparations. Le moment était donc plus favorable que jamais d’attaquer l’Angleterre, ainsi qu’on l’avait médité, en