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Versailles. Charles Bonaparte la conduisait ; il fut consulté, et la chaleur de ses témoignages fit donner raison à M. de Marbeuf. Le neveu de ce dernier, archevêque de Lyon et ministre de la feuille des bénéfices, crut devoir en venir faire des remerciements à Charles Bonaparte ; et, quand celui-ci conduisit son fils à l’école militaire de Brienne, l’archevêque lui donna une recommandation spéciale pour la famille de Brienne, qui y demeurait la plus grande partie de l’année : de là l’intérêt et les rapports de bienveillance des Marbeuf et des Brienne envers les enfants Bonaparte. La malignité s’est égayée à créer une autre cause ; la simple vérification des dates suffit pour la rendre absurde.

Charles Bonaparte mourut, à trente-huit ans, d’un squirrhe à l’estomac. Il avait éprouvé une espèce de guérison dans un voyage à Paris ; mais il succomba, dans une seconde attaque, à Montpellier, où il fut enterré dans un des couvents de cette ville.

Sous le consulat, les notables de Montpellier, par l’organe de leur compatriote Chaptal, ministre de l’intérieur, firent prier le Premier Consul de permettre qu’ils élevassent un monument à la mémoire de son père. Napoléon les remercia de leurs bonnes intentions, et les refusa. « Ne troublons point le repos des morts, dit-il ; laissons leurs cendres tranquilles. J’ai perdu aussi mon grand-père, mon arrière-grand-père ; pourquoi ne ferait-on rien pour eux ? Cela mène loin. Si c’était hier que j’eusse perdu mon père, il serait convenable et naturel que j’accompagnasse mes regrets de quelque haute marque de respect ; mais il y a vingt ans ; cet évènement est étranger au public, n’en parlons plus. »

Depuis, Louis Bonaparte, à l’insu de Napoléon, fit exhumer le corps de son père, et le fit transporter à Saint-Leu, où il lui consacra un monument.

Charles Bonaparte n’avait été rien moins que dévot ; il s’était même permis quelques poésies anti-religieuses ; et cependant, à sa mort, il ne se trouvait pas assez de prêtres pour lui à Montpellier, disait l’Empereur : bien différent en cela de son oncle, l’archidiacre Lucien, homme d’église, très pieux et vrai croyant, mort longtemps après dans un âge fort avancé. Au moment de s’éteindre, il se fâcha vivement contre Fesch, qui, déjà prêtre, était accouru en étole et en surplis pour l’assister dans ses derniers moments ; il le pria de le laisser mourir tranquille, et il finit entouré de tous les siens, leur donnant les instructions du sage et la bénédiction des patriarches.

L’Empereur revenait souvent sur ce vieil oncle qui lui avait servi de second père, et qui était demeuré longtemps le chef de la famille. Il était