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Le général Bernadotte se présenta à Gradisca pour passer cette rivière. Il trouva la ville fermée, et fut reçu à coups de canon ; on voulut parlementer avec le commandant de la place, mais il s’y refusa. Napoléon partit alors avec la division Serrurier, prit le chemin de Montefalcone, et marcha jusqu’au lieu où la rive gauche de la rivière cesse de dominer la rive droite. Il lui fallait perdre du temps pour construire un pont ; le colonel Andréossi, directeur des ponts, se jeta le premier dans la rivière pour la sonder ; les colonnes suivirent son exemple, et l’on passa, ayant de l’eau jusqu’à mi-corps, sous la faible fusillade de deux bataillons de Croates qui furent mis en déroute. Il était une heure après midi ; on prit alors sur la gauche ; on monta sur les hauteurs, qu’on suivit jusque vis-à-vis Gradisca, où l’on arriva à cinq heures du soir. La place se trouva ainsi cernée et dominée. La division Serrurier avait marché avec d’autant plus de rapidité, que la fusillade était vive sur la rive droite, où Bernadotte était aux prises. Ce général avait eu l’imprudence de vouloir enlever la place d’assaut : il avait été repoussé, et avait perdu quatre à cinq cents hommes sans nécessité. Cet excès d’ardeur était justifié par l’envie qu’avaient les troupes de Sambre-et-Meuse de se signaler, et par la noble émulation d’arriver à Gradisca avant les anciennes troupes d’Italie. Lorsque le gouverneur de Gradisca vit l’Isonzo passé et les hauteurs couronnées, il capitula, et se rendit prisonnier de guerre avec plusieurs régiments et beaucoup de canons. Le quartier-général fut porté le surlendemain à Goritz. La division Bernadotte fut dirigée sur Laybach. Le général Dugua, avec mille chevaux, prit possession de Trieste. La division Serrurier, de Goritz remonta l’Isonzo pour soutenir le général Guieux, et regagner à Tarvis la chaussée de la Carinthie. Le général Guieux, du champ de bataille du Tagliamento, s’était dirigé vers Udine et Cividale, et avait rencontré à Caporetto la chaussée de l’Isonzo. Il avait eu tout le jour de forts engagements avec le principal corps du prince Charles qui avait pris la même route pour gagner Tarvis ; il lui avait tué beaucoup de monde et fait beaucoup de prisonniers. Le général autrichien avait laissé une arrière-garde à la Chiusa vénitienne, et s’était porté sur Tarvis, espérant que le prince Charles l’occupait encore. Mais Masséna y était depuis deux jours. Il fut attaqué en front par Masséna, et en queue par Guieux. La position même de la Chiusa vénitienne, qui était forte, ne put résister à l’impétueuse 4e de ligne ; elle gravit avec une rapidité inouïe une montagne qui domine la gauche de la Chiusa ; et tournant ainsi ce poste important, il ne resta plus d’autre ressource aux ennemis que de poser les