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étions maîtres de la république de Gênes, le parti oligarchique y était sans crédit. Les républiques cispadane et transpadane étaient animées du meilleur esprit ; nous y trouvions toute espèce d’assistance. En Piémont, Alexandrie, Fenestrelles, Cherasque, Coni, Tortone, avaient garnison française ; Suze, Labrunette, Desmont, étaient démolies. La misère et le mécontentement étaient à l’extrême parmi le peuple. Des mouvements d’insurrection s’étaient manifestés dans diverses provinces contre la cour ; le roi de Sardaigne avait réuni ses troupes de ligne en corps d’armée pour les dissiper. Le général français avait tout fait pour maintenir l’ordre et la tranquillité en Piémont : il avait souvent menacé de faire marcher des troupes contre les mécontents ; mais les communications étaient rétablies entre le Piémont, la France et les républiques cispadane et transpadane. L’esprit qui dominait dans ces républiques se propageait en Piémont. Les officiers et les soldats français, animés des principes républicains, les propageaient dans toute l’Italie. Les circonstances étaient devenues telles qu’il fallait, pour assurer les desseins du général français, ou détruire le roi de Sardaigne, ou dissiper entièrement toutes ses inquiétudes, et contenir les mécontents. Le général français imagina de proposer un traité offensif et défensif à la cour de Sardaigne ; il fut signé par le général Clarke et le marquis de Saint-Marsan. La république garantissait au roi sa couronne ; le roi déclarait la guerre à l’Autriche, et fournissait un contingent de dix mille hommes et vingt pièces de canon à l’armée française. Ce traité était très important pour l’exécution du grand plan du général en chef ; son armée se trouvait renforcée, et il avait avec lui des otages qui lui assuraient le Piémont pendant son absence de l’Italie. Mais le Directoire ne sentit point l’importance de ce traité, et en ajourna constamment la ratification. Cependant la publicité du traité donna un nouveau crédit au roi et découragea les malveillants. L’état de Venise seul donnait des inquiétudes : Brescia, Bergame, la Polésine, une partie du Vicentin et du Padouan étaient parfaitement disposés pour la cause française ; mais le parti autrichien, qui était celui du sénat de Venise, pouvait disposer de la plus grande partie du Véronais, et de douze mille Esclavons qui étaient dans Venise. Tous les moyens que Napoléon put imaginer pour aplanir les difficultés ayant échoué, il fut obligé de passer outre, de se contenter d’occuper la forteresse de Vérone, et de laisser un corps de réserve pour observer le pays vénitien et garantir la sûreté de ses derrières. On verra dans le chapitre suivant les raisons qui s’opposèrent à ce qu’il mît fin aux troubles de cette république avant d’entrer en Allemagne.

II. L’empereur d’Allemagne refuse de reconnaître la république fran-