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Moreau était le point d’attraction et de ralliement qui avait attiré la nuée de conspirateurs qui vint de Londres fondre sur Paris. Il paraît que Lajollais, son aide de camp, les avait trompés en leur parlant au nom de Moreau, et en leur disant que ce général était sûr de toute la France et pouvait disposer de toute l’armée. Moreau ne cessa de leur dire, à leur arrivée, qu’il n’avait personne, pas même ses aides de camp ; mais que, s’ils tuaient le Premier Consul, il aurait tout le monde.

Moreau, livré à lui-même, disait l’Empereur, était un fort bon homme, qu’il eût été facile de conduire : c’est ce qui explique ses irrégularités. Il sortait du palais tout enchanté, il y revenait plein de fiel et d’amertume ; c’est qu’il avait vu sa belle-mère et sa femme. Le Premier Consul, qui eût été bien aise de le rallier à lui, se raccommoda une fois à fond ; mais cela ne dura que quatre jours. En effet, depuis on essaya maintes fois de les rapprocher ; Napoléon ne le voulut plus. Il prédit que Moreau ferait des fautes, qu’il se perdrait ; et certes il ne pouvait le faire d’une manière qui justifiât plus complètement la prédiction du Premier Consul et le servît davantage.

À Wittemberg, quelques jours avant la bataille de Leipsick, on intercepta des chariots et des effets dans lesquels étaient les papiers de Moreau qu’on renvoyait à sa veuve en Angleterre. L’une de ces lettres était de madame Moreau elle-même, qui avait écrit à son mari de laisser là