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sance des lettres, on est redevable d’une des plus anciennes comédies, celle de la Veuve, qui est à la Bibliothèque publique à Paris.

Lorsque Napoléon, à la tête de l’armée d’Italie, marchait sur Rome, et recevait à Tolentino les propositions du pape, un des négociateurs ennemis observa qu’il était le seul Français qui, depuis le connétable de Bourbon, eût marché sur Rome ; mais que ce qui ajoutait, disait-il, à cette circonstance quelque chose de bien bizarre, c’est que l’histoire de la première expédition se trouvait écrite précisément par un des parents de celui qui exécutait la seconde, par monsignor Nicolas Buonaparte, qui a laissé en effet le sac de Rome, par le connétable de Bourbon.

M. de Cetto, ambassadeur de Bavière, m’a répété souvent que les archives de Munich renfermaient un grand nombre de pièces italiennes qui témoignent l’illustration de cette maison.

Napoléon, au temps de sa puissance, s’est constamment refusé à toute espèce de travail ou même de conversation sur cet objet. Sous son consulat, il découragea trop bien la première tentative de ce genre, pour que personne essayât d’y revenir. Quelqu’un publia une généalogie dans laquelle on rattachait sa famille à d’anciens rois du Nord ; Napoléon fit persifler cet essai de la flatterie dans un papier public, où l’on finissait par conclure que la noblesse du Premier Consul ne datait que de Montenotte ou du dix-huit brumaire.

Cette famille fut, comme tant d’autres, victime des nombreuses révolutions qui désolèrent les villes d’Italie ; les troubles de Florence mirent les Bonaparte au Nombre des fuorusciti (émigrés). Un d’eux se retira d’abord à Sarzane, et de là passa en Corse, d’où ses descendants ont toujours continué d’envoyer leurs enfants en Toscane, à la branche qui y était demeurée à San-Miniato.

Depuis plusieurs générations, le second des enfants de cette famille a constamment porté le nom de Napoléon, qu’elle tenait, dans l’origine, d’un Napoléon des Ursins, célèbre dans les fastes militaires d’Italie.

Napoléon, après son expédition de Livourne, se rendant à Florence, coucha à San-Miniato chez un vieil abbé Buonaparte, qui traita magnifiquement tout son état-major. Après avoir épuisé tous les souvenirs de famille, il dit au jeune général qu’il allait lui chercher la pièce la plus précieuse. Napoléon crut qu’il allait lui montrer quelque bel arbre généalogique, fort propre à gratifier sa vanité, disait-il en riant ; mais c’était un mémoire fort en règle, en faveur d’un père Bonaventure Buonaparte, capucin de Bologne, béatifié depuis longtemps, et qu’on n’avait pu faire canoniser à cause des frais énormes que cela eût nécessités. « Le pape