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se colleta avec Pichegru, réveillé en sursaut. Il était très fort ; il fallut le lier et le transporter nu. Il rugissait comme un taureau. »

De là l’Empereur est passé à dire qu’en arrivant au consulat il avait eu à cœur d’apaiser les départements de l’Ouest. Il avait fait venir la plupart des chefs ; il en avait ému plusieurs, et avait, disait-il, fait verser des larmes à quelques-uns au nom de la patrie et de la gloire. Georges eut son tour ; l’Empereur dit qu’il tâta toutes ses fibres, parcourut toutes les cordes ; ce fut en vain : le clavier fut épuisé sans produire aucune vibration. Il le trouva constamment insensible à tout sentiment vraiment élevé ; Georges ne se montra que froidement avide du pouvoir : il en demeurait toujours à vouloir commander ses cantons. Le Premier Consul, après avoir épuisé toute conciliation, prit le langage du premier magistrat. Il le congédia en lui recommandant d’aller vivre chez lui tranquille et soumis, de ne pas se méprendre surtout à la nature de la démarche qu’il venait de faire en cet instant, de ne pas attribuer à faiblesse ce qui n’était que le résultat de sa modération et de sa grande force ; qu’il se dît bien et répétât à tous les siens que, tant que le Premier Consul tiendrait les rênes de l’autorité, il n’y aurait ni chance ni salut pour quiconque oserait conspirer. Georges s’en fut ; et la suite a prouvé que ce n’était pas sans avoir puisé dans cette conférence quelque estime pour celui qu’il ne cessa de vouloir détruire.