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fit prier de trouver bon, disait l’Empereur, qu’il refusât, ayant été, ajoutait-il, premier gentilhomme de la chambre de Louis XVI et de Louis XVIII. Je fus le premier à m’écrier : Comment voudrait-on qu’il en pût être autrement ?… Il a raison. C’était un manque de goût dans ceux qui me l’avaient proposé ; mais moi, qu’avais-je à y faire ? Pouvais-je deviner de pareils détails ? mes grandes affaires me permettaient-elles d’y descendre ? »

Sur les quatre heures, l’Empereur est monté en calèche. Durant notre course accoutumée, il a parlé de plusieurs accidents fort graves qui avaient menacé sa vie.

À Saint-Cloud, il avait voulu une fois mener sa calèche à six chevaux et à grandes guides. L’aide de camp ayant gauchement traversé les chevaux les fit emporter. L’Empereur ne put prendre le tour nécessaire ; la calèche alla, avec toute la force d’une vélocité extrême, frapper contre la grille. L’Empereur se trouva violemment jeté à huit ou dix pieds en travers sur le ventre. Il a été mort, disait-il, huit ou dix secondes ; il avait senti le moment où il avait cessé d’exister, ce qu’il appelait le moment de la négative. Le premier qui, se jetant à bas de son cheval, vint à le toucher, le ressuscita, le rappela soudainement à la vie par le simple contact, comme dans le cauchemar, où l’on se trouve délivré, disait-il, dès qu’on a pu proférer un cri.