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lait ; mais je n’en savais rien encore. Nous allions avoir l’ennemi sur les bras ; il m’écrit froidement que sa santé ne lui permet pas ce service ; et néanmoins il ose se montrer frais et dispos sous mes yeux, en courtisan ; j’en fus indigné. Cependant je me contins et le passai, mais il trouva le secret de se replacer encore trois ou quatre fois avec empressement sur mes pas. Je n’y pus plus tenir, et la bombe éclata. — Comment, Monsieur, lui dis-je, vous m’écrivez être malade pour combattre, et vous accourez ici en courtisan bien portant ! Moi qui croyais que votre nom appartenait à la patrie, je vous ai fait l’honneur de vous donner une des légions de la capitale, pour la défendre contre l’ennemi qui est aux portes, et vous me refusez ?… Mais que voulez-vous que je pense ? vous m’embarrassez, Monsieur, j’ai le droit de m’en indigner, et il faut ici que ma pensée se fasse jour. Il y a de la lâcheté ou de la trahison ; serait-ce de la trahison ?… Mais je ne violente les sentiments de personne, Monsieur ; ce n’est pas moi qui ai été vous chercher. Qu’il vous souvienne de tous vos empressements et de toutes vos courbettes, de vos nombreuses cajoleries pour arriver jusqu’à moi ! Ah ! quittez cette croix d’honneur que vous m’avez arrachée ! aussi bien elle se sentirait trop déplacée, et surtout ne reparais-