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les doctrines ultra-montaines, par lesquelles les cardinaux prétendent avoir le droit de marier sans témoins, ce qui n’est pas reconnu en France, et frappe de nullité. »

Toutefois il semble que l’impératrice Joséphine ne demanda cet écrit que pour sa propre satisfaction, et n’en fit pas autrement usage.

Elle se conduisit avec beaucoup de grâce et d’adresse ; elle désira que le vice-roi fût mis à la tête de cette affaire, et fit elle-même, à cet égard, des offres de service à la maison d’Autriche.

Joséphine, ajoutait Napoléon, eut vu volontiers Marie-Louise : elle en parlait souvent et avec beaucoup d’intérêt, ainsi que du roi de Rome : quant à Marie-Louise, elle traitait à merveille Eugène et Hortense ; mais elle montrait une grande répugnance pour Joséphine, et surtout une vive jalousie. « Je voulus la mener un jour à la Malmaison, disait l’Empereur ; mais, sur cette proposition, elle se mit à fondre en larmes. Elle ne m’empêchait pas d’y aller, me disait-elle, se contentant de ne vouloir pas le savoir. Toutefois, dès qu’elle en suspectait l’intention, il n’est pas de ruse qu’elle n’employât pour me gêner là-dessus. Elle ne me quittait plus ; et comme ces visites semblaient lui faire beaucoup de peine, je me fis violence, et n’allai presque jamais à la Malmaison. Quand il m’arrivait d’y aller, c’étaient alors d’autres larmes de ce côté, c’étaient des tracasseries de toute espèce. Joséphine avait toujours devant les yeux et dans ses intentions l’exemple de la femme de Henri IV, qui, disait-elle, avait vécu à Paris après son divorce, venait à la cour, avait assisté au sacre. Elle, Joséphine, était bien mieux située encore, prétendait-elle ; elle avait ses propres enfants, et ne pouvait plus en avoir d’autres, etc. »

Joséphine avait une connaissance accomplie de toutes les nuances du caractère de l’Empereur et un tact admirable pour la mettre en pratique. « Jamais il ne lui est arrivé, par exemple, disait l’Empereur, de rien demander pour Eugène, d’avoir jamais même remercié pour ce que je faisais pour lui ; d’avoir même montré plus de soins ou de complaisance le jour des grandes faveurs, tant elle avait à cœur de se montrer persuadée et de me convaincre que tout cela n’était pas son affaire à elle, mais bien la mienne à moi, qui pouvais et devais y rechercher des avantages. Nul doute qu’elle n’ait eu plus d’une fois la pensée que j’en viendrais un jour à l’adopter pour successeur. »

L’Empereur se disait convaincu qu’il avait été ce qu’elle aimait le mieux, et ajoutait en riant qu’il ne doutait pas qu’elle n’eût quitté un rendez-vous d’amour pour venir auprès de lui. Elle n’eût pas manqué