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le général Lahosse avec quatre mille Italiens pour Bologne, y dirigea une colonne de trois mille Français, et fit prévenir le grand-duc de Toscane que ses troupes traverseraient ses États pour se rendre à Perrugia ; il partit effectivement lui-même, et se rendit à Bologne. Manfredini vint l’y trouver, pour ménager les intérêts de son maître, et s’en retourna convaincu que le général français marchait sur Rome. Pour cette fois, cette cour ne fut point dupe de toutes ces apparences ; elle resta immobile. Elle était au fait des plans adoptés à Vienne, et en espérait le succès. Cependant, lorsqu’elle apprit que le général français était à Bologne, le secrétaire d’État fut étonné ; mais le ministre d’Autriche soutint son courage, en lui faisant comprendre que rien n’était plus heureux pour leurs vues que d’attirer le général français dans le fond de l’Italie, et que, fallût-il quitter Rome, ce serait encore un bonheur, puisque la défaite des Français sur l’Adige en serait d’autant plus assurée.

II. Situation de l’armée autrichienne. — Alvinzi recevait tous les jours des renforts considérables. Le Padouan, le Trévisan et tout le Bassanais étaient couverts de troupes autrichiennes. Il s’était écoulé deux mois depuis la bataille d’Arcole ; l’Autriche les avait mis à profit pour faire arriver dans le Frioul les divisions tirées des rives du Rhin, où les armées françaises étaient inactives et en plein quartier d’hiver. Un mouvement avait été imprimé à toute la monarchie autrichienne. On leva dans le Tyrol plusieurs bataillons d’excellents tireurs : il fut aisé de leur persuader qu’il fallait défendre leur territoire et aider à reconquérir l’Italie, si essentielle à la prospérité du Tyrol. Les succès de l’Autriche, dans la campagne, dernière en Allemagne, et ses humiliations en Italie, avaient remué l’esprit public. Les grandes villes offraient des bataillons de volontaires : Vienne en fournit quatre : on leva ainsi un renfort de dix à douze mille volontaires. Les bataillons de Vienne reçurent de l’impératrice des drapeaux brodés de ses propres mains. Ils les perdirent, mais les défendirent avec honneur. L’armée d’Autriche se composait de huit divisions de forces inégales, de plusieurs brigades, de cavalerie incorporées avec ces divisions, et de deux divisions de cavalerie. On évaluait cette armée à plus de quatre-vingt mille combattants.

III. Situation de l’armée française. — L’armée française avait été renforcée, depuis Arcole, de deux régiments d’infanterie tirés des côtes de la Provence, la 57e en faisait partie, et d’un régiment de cavalerie. Cela faisait environ cinq à six mille hommes, et compensait les pertes d’Arcole et du blocus de Mantoue. Joubert, avec une forte division,