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l’extrémité de la gauche de l’ennemi, au même moment que la garnison de Legnano commencerait à la canonner par derrière ; ce qu’il exécuta avec intelligence, et contribua beaucoup au succès de la journée. L’ennemi fut culbuté partout ; sa ligne fut rompue, il laissa beaucoup de prisonniers. Alvinzi avait échelonné sept à huit mille hommes sur ses derrières, pour assurer sa retraite et pour escorter ses parcs, et par là sa ligne de bataille ne se trouva pas plus forte que la nôtre. Il fut mené battant tout le reste de la soirée. Toute la nuit il continua sa retraite sur Vicence. Notre cavalerie le poursuivit au-delà de Montebello.

Arrivé à Villa-Nova, Napoléon s’arrêta pour avoir les rapports de la poursuite de l’ennemi et de la contenance que faisait son arrière-garde. Il entra dans le couvent de Saint-Boniface ; l’église avait servi d’ambulance. Il y trouva quatre ou cinq cents blessés, la plus grande partie morts ; il en sortait une odeur de cadavre, il recula d’horreur ! il s’entendit appeler par son nom : deux malheureux soldats français blessés étaient depuis trois jours au milieu des morts, sans avoir mangé ; ils n’avaient point été pansés, ils désespéraient d’eux-mêmes ; mais ils furent rappelés à la vie par la vue de leur général : tous les secours leur furent prodigués.

Le général français visita les hauteurs de Caldiero, et se remit en marche vers Vérone. À mi-chemin, il rencontra un officier d’état-major autrichien, que Davidowich envoyait à Alvinzi. Ce jeune homme se croyait au milieu des siens. D’après ses dépêches, il y avait trois jours que les deux armées ne s’étaient communiquées. Davidowich ignorait tout.

X. L’armée française rentre triomphante dans Vérone par la rive gauche. — Napoléon entre triomphant dans Vérone par la porte de Venise, trois jours après en être sorti mystérieusement par la porte de Milan. On se peindrait difficilement l’étonnement et l’enthousiasme des habitants ; nos ennemis mêmes les plus déclarés ne purent rester froids, et joignirent leurs hommages à ceux de nos amis. Le général français passe sur la rive droite de l’Adige, et court sur Davidowich qui était encore à Rivoli. Il est chassé de poste en poste et poursuivi l’épée dans les reins jusqu’à Roveredo. De ses soixante à soixante et dix mille hommes, on calcule qu’Alvinzi en perdit de trente à trente-cinq mille dans ces affaires, et que ce fut l’élite de ses troupes.

Cependant de si grands résultats ne s’étaient pas obtenus sans pertes, et l’armée avait plus que jamais besoin de repos. Le général français ne jugea pas devoir reprendre le Tyrol, et s’étendre jusqu’à Trente. Il se contenta de faire occuper Montebello, la Corona, les gorges de la Chiusa