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prisonniers. On en fit autant sur la digue d’Arcole : on attendit que l’ennemi eût dépassé le coude du pont. On l’attaqua au pas de charge ; on le mit en déroute, et on lui fit beaucoup de prisonniers. Il devenait de la plus haute importance de s’emparer d’Arcole, puisque de là on débouchait sur les derrières de l’ennemi et qu’on pouvait s’y établir avant que l’ennemi pût être formé. Mais ce pont d’Arcole, par sa situation, résistait à toutes nos attaques. Napoléon essaya un dernier effort de sa personne : il saisit un drapeau, s’élança vers le pont et l’y plaça. La colonne qu’il conduisait l’avait à moitié franchi, lorsque le feu de flanc fit manquer l’attaque. Les grenadiers de la tête, abandonnés par la queue, hésitent, ils sont entraînés dans la fuite, mais ils ne veulent pas se dessaisir de leur général ; ils le prennent par le bras, les cheveux, les habits, et l’entraînent dans leur fuite, au milieu des morts, des mourants et de la fumée. Le général en chef est précipité dans un marais ; il y enfonce jusqu’à la moitié du corps ; il est au milieu des ennemis ; mais les Français s’aperçoivent que leur général n’est point avec eux. Un cri se fait entendre : « Soldats, en avant pour sauver le général. » Les braves reviennent aussitôt au pas de course sur l’ennemi, le repoussent jusqu’au-delà du pont, et Napoléon est sauvé.