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tin, et l’ennemi ignorait tout. Les premiers coups de fusil se tirèrent sur le pont d’Arcole, où deux bataillons de Croates, avec deux pièces de canon, bivouaquaient comme corps d’observation pour garder les derrières de l’armée où étaient tous les parcs, et surveiller les partis que la garnison de Legnago aurait pu jeter dans la campagne. Cette place n’était qu’à trois lieues : l’ennemi avait eu la négligence de ne pas pousser des postes jusqu’à l’Adige ; il regardait cet espace comme des marais impraticables. L’intervalle d’Arcole à l’Adige n’était point gardé ; on s’était contenté d’ordonner des patrouilles de hussards, qui, trois fois par jour, parcouraient les digues et éclairaient l’Adige. La route de Ronco à Arcole rencontre l’Alpon à deux milles, et de là remonte pendant un mille la rive droite de ce petit ruisseau jusqu’au pont, qui tourne perpendiculairement à droite et entre dans le village d’Arcole. Des Croates étaient bivouaqués, la droite appuyée au village, et la gauche vers l’embouchure. Par ce bivouac ils avaient devant leur front la digue, dont ils n’étaient séparés que par le ruisseau ; tirant devant eux, ils prirent en flanc la colonne dont la tête était sur Arcole. Il fallut se replier en toute hâte jusqu’au point de la chaussée, qui ne prêtait plus son flanc à la rive gauche. On instruisit Alvinzi que quelques coups de fusil avaient été tirés au pont d’Arcole ; il y fit peu d’attention. Cependant, à la pointe du jour, on put observer de Caldiero et des clochers voisins le mouvement des Français. D’ailleurs les reconnaissances des hussards, qui tous les matins longeaient l’Adige pour s’assurer des évènements de la nuit, furent reçues à coups de fusil de toutes les digues, et poursuivies par la cavalerie française. Alvinzi acquit donc de tout côté la certitude que les Français avaient passé l’Adige, et se trouvaient en force sur toutes les digues. Il lui parut insensé d’imaginer qu’on pût jeter ainsi toute une armée dans des marais impraticables. Il pensa plutôt que c’était un détachement posté de ce côté pour l’inquiéter lorsqu’on l’attaquerait en force du côté de Vérone. Cependant ses reconnaissances du côté de Vérone lui ayant rapporté que tout y était tranquille, Alvinzi crut important de rejeter ces troupes françaises au-delà de l’Adige, pour tranquilliser ses derrières. Il dirigea une division sur la digue d’Arcole, et une autre vers la digue qui longe l’Adige, avec ordre de tomber tête baissée sur ce qu’elles rencontreraient, et de tout jeter dans la rivière. Vers les neuf heures du matin, ces deux divisions attaquèrent en effet vivement. Masséna, qui était chargé de la digue de gauche, ayant laissé engager l’ennemi, courut sur lui au pas de charge, l’enfonça, lui causa beaucoup de perte, et lui fit un grand nombre de