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contre les Français ; mais cette fois l’esprit plus prononcé des peuples, et d’autres circonstances, donnaient une tout autre physionomie à l’Italie et aux affaires. Ce n’était plus comme avant Lonato et Castiglione. Les prodiges accomplis par les Français, les nombreuses défaites éprouvées par les Autrichiens, avaient tourné l’opinion. Alors les trois quarts de l’Italie pensaient qu’il était impossible que les Français pussent conserver leur conquête. Aujourd’hui les trois quarts de cette même Italie ne croyaient pas qu’il fût au pouvoir des Autrichiens de jamais la leur arracher. On fit sonner bien haut l’arrivée de quatre régiments venant de France. Leur mouvement se fit par bataillons, ce qui composa douze colonnes. On prit toutes les mesures pour que le pays et une partie de l’armée crussent qu’on s’était renforcé de douze régiments.

On croyait que les vivres manquaient dans Mantoue, et que cette place tomberait infailliblement avant que l’armée autrichienne pût recommencer la lutte, de sorte que nos troupes entendaient parler des préparatifs de l’Autriche avec confiance : elles semblaient sûres de la victoire. L’armée était bien nourrie, bien payée, bien vêtue ; son artillerie était nombreuse et bien attelée ; sa cavalerie faible en nombre, à la vérité, mais ne manquant de rien, et en aussi bon état que possible.

La population de tous les pays occupés par nos armées faisait à présent cause commune avec nous. Elle appelait nos succès de tous ses vœux. La disposition des pays au-delà du Pô était telle qu’il pouvait même suffire à contenir les levées que le cardinal secrétaire d’État de Rome appelait l’armée du pape. Cette misérable cour, sans esprit, sans courage, sans talents, sans bonne foi, n’était pas autrement redoutable.

III. Combat de la Brenta. – Vaubois évacue le Tyrol en désordre. — Au commencement de novembre, le quartier-général de l’armée autrichienne était à Conegliano, et de nombreux postes garnissaient la rive gauche de la Piave. Dans le Tyrol, des corps opposés à chacun des nôtres se formaient sur la ligne du Lavisio ; partout l’ennemi se montrait en force. Le projet d’Alvinzi n’était pas douteux ; il ne voulait pas, comme Wurmser, attaquer par le Tyrol ; il craignait de s’engager dans les montagnes. Il attribuait à l’intelligence du soldat français, à sa plus grande dextérité, les succès de Lonato et de Castiglione. Il résolut donc de faire sa principale attaque par la plaine, et d’arriver sur l’Adige par le Véronais, le Vicentin et le Padouan. Le 2 novembre, ce général jeta deux ponts sur la Piave, et se porta sur Bassano avec quarante-neuf à cinquante mille hommes. Masséna, en observation, contint toutes ses colonnes, l’obligea de déployer toutes ses forces, gagna quelques jours, et