Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/487

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec pleine et libre volonté. M. de Montholon, chargé du service de la maison, a répondu, au nom de l’Empereur à sir Hudson Lowe, que Sa Majesté ne pouvait imaginer qu’on eût la prétention de mettre le doigt entre lui et son valet de chambre ; que si on demandait sa permission il la refusait ; que si les instructions portaient cette mesure, on avait la force, on pouvait la remplir ; que ce serait un outrage de plus ajouté à ceux que le ministère anglais accumulait sur sa tête.

Je les ai joints à cet instant ; il m’a été aisé de voir que les deux interlocuteurs étaient peu satisfaits l’un de l’autre.

Toutefois les domestiques vinrent : M. de Montholon et moi nous nous mîmes à l’écart, pour ne pas sanctionner une telle mesure par notre présence. Le gouverneur leur parla et vint nous joindre ensuite, nous disant : « Je suis content à présent ; je puis mander à mon gouvernement que tous ont signé de plein gré et de leur bonne volonté. »

Il lui restait pourtant de l’humeur sans doute, car il se mit assez hors de propos à nous vanter la beauté du site, nous disant qu’après tout nous n’étions pas si mal ; et comme nous lui disions que dans ce climat brûlant nous restions sans ombrage, sans un seul arbre : On en plantera, nous dit-il. Quel mot atroce ! Première barbarie de sir Hudson Lowe ! et il nous a quittés.

Vers les cinq heures, l’Empereur est monté en voiture pour faire un tour de promenade. En sortant de chez lui, il nous a dit : « Messieurs, un homme de moins, et j’étais le maître du monde ! Cet homme, le devinez-vous ? » Nous écoutions… « Eh bien ! c’est l’abbé de Pradt, a-t-il dit, l’aumônier du dieu Mars. » Nous nous sommes mis à rire.

« Je n’en impose pas, a-t-il continué, c’est ainsi qu’il commence dans