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plus simple expression. Chacun connaissait son faire à cet égard, et c’était là, disait-il encore, ses grands moyens d’économie domestique, qui, malgré une extrême magnificence d’ailleurs, était portée au dernier degré d’exactitude et de régularité. En dépit de ses immenses occupations, il révisait lui-même tous ses propres comptes ; mais il avait sa manière : on les lui présentait toujours par spécialité ; il s’arrêtait sur le premier article venu, le sucre par exemple, et trouvant des milliers de livres, il prenait une plume et demandait au comptable : « Combien de personnes dans ma maison, Monsieur ? (Et il fallait pouvoir lui répondre sur-le-champ.) – Sire, tant. – À combien de livres de sucre par jour les portez-vous l’une dans l’autre ? – Sire, à tant. » Il faisait aussitôt son calcul, et se montrait satisfait, ou s’écriait en lui rejetant son papier : « Monsieur, je double votre propre estimation, et vous dépassez encore énormément ; votre compte est donc faux ? Recommencez tout cela, et montrez-moi plus d’exactitude. » Et il suffisait de ce seul calcul, de cette seule algarade, faisait-il observer, pour tenir chacun dans la plus stricte régularité. Aussi, disait-il parfois de son administration privée, comme de son administration publique : « J’ai introduit un tel ordre, j’emploie de telles contre-épreuves, que je ne puis être volé de beaucoup. Si je le suis encore, je le laisse sur la conscience du coupable ; il n’en sera pas étouffé, cela ne saurait être lourd. »


Le gouverneur visite ma chambre – Critique du Mahomet de Voltaire – Du Mahomet de l’histoire – Grétry.


Lundi 22 au jeudi 25.

Depuis plusieurs jours le temps a été très mauvais. L’Empereur a discontinué ses promenades du matin ; son travail est devenu plus régulier, il a dicté chaque jour sur l’époque des évènements de 1814.

Sir Hudson Lowe est venu visiter l’établissement ; il est entré chez moi et y est demeuré un quart d’heure. Il m’a dit être fâché de la manière dont nous nous trouvions ; nos demeures étaient plutôt des bivouacs, convenait-il, que des chambres. Et il avait raison : le papier goudronné dont on s’était servi pour la couverture cédait déjà à la chaleur du climat : quand il faisait du soleil, j’étouffais ; quand il pleuvait, j’étais inondé.

Il allait donner l’ordre d’y remédier autant que possible, disait-il, et a ajouté poliment qu’il avait apporté avec lui quinze cents à deux mille volumes français ; que, dès qu’ils seraient en ordre, il se ferait un plaisir de les mettre à notre disposition, etc., etc…