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Le choix de la place et des mesures qui peuvent le mieux assurer l’objet de la présente stipulation sont réservés à Sa Majesté britannique.

Art. 3. Les cours impériales d’Autriche et de Russie et la cour royale de Prusse nommeront des commissaires pour se rendre et habiter dans la place que le gouvernement de Sa Majesté britannique aura assignée pour la résidence de Napoléon Bonaparte, et qui, sans être responsables de sa garde, s’assureront de sa présence.

Art. 4. Sa Majesté très chrétienne est invitée, au nom des quatre cours ci-dessus mentionnées, d’envoyer pareillement un commissaire français au lieu de la détention de Napoléon Bonaparte.

Art. 5. Sa Majesté le roi du royaume-uni de la Grande-Bretagne et de l’Irlande s’oblige à remplir les engagements qui lui sont assignés par la présente convention.

Art. 6. La présente convention sera ratifiée, et la ratification sera échangée dans quinze jours, ou plus tôt s’il est possible.

En foi de quoi les plénipotentiaires respectifs ont signé la présente convention, et y ont apposé le sceau de leurs armes.

Fait à Paris, ce 2 août de l’année de notre Seigneur, 1815. »

La lecture faite, l’Empereur m’a demandé ce que j’en pensais.

« Sire, ai-je répondu, dans la position où nous nous trouvons, j’aime mieux dépendre des intérêts d’un seul que de la décision compliquée de quatre. L’Angleterre évidemment a dicté ce traité ; voyez avec quel soin elle stipule qu’elle seule répondra, disposera du prisonnier ; je ne la vois occupée qu’à nantir ses mains du levier d’Archimède ; elle ne saurait donc avoir l’idée de le briser. »

L’Empereur, sans expliquer sa pensée sur cet objet, est passé aux différentes chances qui pouvaient amener sa sortie de Sainte-Hélène, et a dit ces paroles remarquables : « Si l’on est sage en Europe, si l’ordre s’établit partout, alors nous ne vaudrons plus ni l’argent ni les soins que nous coûtons ici ; on se débarrassera de nous ; mais cela peut se prolonger encore quelques années : trois, quatre ou cinq ans ; autrement, et à part les évènements fortuits qu’il n’est pas donné à l’intelligence humaine de prévoir, je ne vois guère, mon ami, que deux grandes chances bien incertaines pour sortir d’ici : le besoin que pourraient avoir de moi les rois contre les peuples débordés, ou celui que pourraient avoir les peuples soulevés, aux prises avec les rois ; car, dans cette immense lutte du présent contre le passé, je suis l’arbitre et le médiateur naturel ; j’avais aspiré à en être le juge suprême ; toute mon administration au-dedans, toute ma diplomatie au-dehors,