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que, dans le public, il eût eu l’art de s’y montrer contraire. » Aussi était-ce par une espèce de malice que Napoléon avait choisi Valencey pour y placer Ferdinand. « C’était lui enfin, disait l’Empereur, qui avait été l’instrument principal et la cause active de la mort du duc d’Enghien. »

Une actrice célèbre (mademoiselle Raucourt) l’avait peint, assurait Napoléon, d’une manière fort vraie : « Si vous le questionnez, disait-elle, c’est une boîte de fer-blanc dont vous ne tirez pas un mot ; si vous ne lui demandez rien, bientôt vous ne saurez comment l’arrêter, ce sera une véritable commère. »

C’est en effet une indiscrétion qui, dans le principe, heurta la confiance de l’Empereur en son ministre, et l’ébranla dans son esprit. « J’avais confié, disait Napoléon, une chose fort importante à M. de Talleyrand ; peu d’heures après, Joséphine me la rendit mot pour mot. J’envoyai chercher aussitôt ce ministre, pour lui dire que je venais d’apprendre de l’impératrice une chose que je n’avais confiée qu’à lui seul : or, le cercle du rapport se composait déjà de quatre ou cinq intermédiaires.

« Le visage de M. de Talleyrand est tellement impassible, disait l’Empereur, qu’on ne saurait jamais y rien lire ; aussi Lannes ou Murat disaient-ils plaisamment de lui que si, en vous parlant, son derrière venait à recevoir un coup de pied, sa figure ne vous en dirait rien. »