Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

arrière-pensée, car je lui avais donné désormais ma vie sans restriction.

Sur ces entrefaites, madame Bertrand, sans avoir été demandée, sans s’être fait annoncer, s’est précipitée tout à coup dans la chambre de l’Empereur ; elle était hors d’elle-même ; elle s’écriait qu’il n’allât pas à Sainte-Hélène, qu’il n’emmenât pas son mari. Sur l’étonnement, le visage et la réponse calme de l’Empereur, elle ressortit aussi précipitamment qu’elle était entrée. L’Empereur, toujours étonné, me disait : « Concevez-vous rien à cela ? » quand nous entendîmes de grands cris, et le mouvement de tout l’équipage qui accourait en tumulte vers l’arrière du vaisseau. L’Empereur m’ordonna de sonner pour en connaître la cause ; c’était madame Bertrand qui, après être sortie de chez l’Empereur, avait voulu se jeter à l’eau, et qu’on avait eu toutes les peines du monde à retenir. Qu’on juge, par cette scène, de tout ce qui se passait en nous.

Au matin, le duc de Rovigo m’apprend que je suis décidément du voyage de Sainte-Hélène ; l’Empereur, en causant, lui avait dit que, si nous devions n’être que deux à le suivre, il comptait encore que je serais