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Femmes savantes ; mais, dès le deuxième acte, il a passé le livre au grand maréchal, et a sommeillé sur le canapé durant tout le reste de la lecture.


Paroles de l’Empereur sur son expédition en Orient.


Samedi 30, dimanche 31.

Aujourd’hui le temps a continué à être très mauvais ; nous en souffrions tous. De plus, nous sommes littéralement infestés de rats, de puces, de punaises. Notre sommeil en est troublé ; de sorte que les peines de la nuit sont en parfaite harmonie avec celles du jour.

Le temps s’était remis tout à fait au beau le 31. Nous sommes sortis en calèche. L’Empereur, dans le cours de la conversation, est arrivé à dire, parlant de l’Égypte et de la Syrie, que s’il eût enlevé Saint-Jean-d’Acre, ce qu’il eût dû faire, il opérait une révolution dans l’Orient. « Les plus petites circonstances conduisent les plus grands évènements, disait-il. La faiblesse d’un capitaine de frégate qui prend chasse au large au lieu de forcer son passage dans le port, quelques contrariétés de détails dans quelques chaloupes ou bâtiments légers, ont empêché que la face du monde ne fût changée. Saint-Jean-d’Acre enlevé, l’armée française volait à Damas et à Alep ; elle eût été en un clin d’œil sur l’Euphrate. Les chrétiens de la Syrie, les Druses, les chrétiens de l’Arménie se fussent joints à elle ; les populations allaient être ébranlées. » Un de nous ayant dit qu’on eut été bientôt renforcé de cent mille hommes : « Dites de six cent mille, a repris l’Empereur ; qui peut calculer ce que c’eût été ? J’aurais atteint Constantinople et les Indes ; j’eusse changé la face du monde ! »


Description de l’appartement de l’Empereur – Horloge du grand Frédéric – Montre de Rivoli – Détails minutieux de sa toilette – Son costume – Bruits ridicules, absurdités sur sa personne – Complot de Georges – De Cérachi – Attentat du fanatique de Schœnbrunn.


Lundi 1er, mardi 2 avril.

Tout ce qui touche l’Empereur et le concerne semble devoir être précieux ; des milliers de personnes le penseront ainsi. C’est dans ce sentiment, avec cette opinion, que je vais décrire minutieusement ici son appartement, l’ameublement qui s’y trouve, les détails de sa toilette, etc., etc. Et puis, avec le temps, peut-être un jour son fils se plaira-t-il à reproduire les détails, la contexture de sa prison ! Peut-être aimera-t-il à s’entourer d’objets éloignés, d’ombres fugitives, qui lui recomposeront une espèce de réalité !

L’appartement de l’Empereur est formé de deux pièces A et B, ainsi qu’on peut le voir sur le plan de Longwood inséré dans l’ouvrage, chacune de quinze pieds de long sur douze de large, et d’environ sept de haut.