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vaient suivre tous les mouvements de l’ennemi par leur facile mobilité. Il fallait à l’ennemi dès lors de l’artillerie de siège ; il devait ouvrir la tranchée ; on gagnait du temps, et le véritable objet de la fortification était accompli. L’Empereur a employé ce moyen avec beaucoup de succès, et au grand étonnement des ingénieurs, à la défense de Vienne et à celle de Dresde : il voulait l’employer à celle de Paris, qu’il ne croyait défendable que de la sorte, mais du succès duquel il ne doutait nullement, etc.


Résumé des neuf mois écoulés.


Voilà déjà neuf mois que j’écris mon journal, et je crains bien qu’au travers des parties hétérogènes qui s’y succèdent sans ordre, on n’ait que trop souvent perdu de vue mon principal, mon unique objet, ce qui concerne Napoléon et peut servir à le caractériser. C’est pour y suppléer, en tant que de besoin, que je vais essayer ici un résumé de quelques lignes ; résumé d’ailleurs que je me propose, pour le même motif, de réitérer désormais tous les trois mois.

En quittant la France ; nous étions demeurés un mois à la disposition du brutal et féroce ministère anglais ; puis notre traversée à Sainte-Hélène avait été de trois mois.

À notre débarquement, nous avons occupé Briars près de deux mois.

Enfin, nous étions à Longwood depuis trois mois.

Or, ces neuf mois eussent composé quatre époques bien distinctes pour celui qui se serait occupé d’observer Napoléon.

Tout le temps de notre séjour à Plymouth, Napoléon demeura concentré et purement passif, n’opposant que la force d’inertie. Ses maux étaient tels et tellement sans remède, qu’il laissait stoïquement courir les évènements.

Durant toute notre traversée, ce fut en lui constamment une parfaite égalité, et surtout la plus complète indifférence ; il ne témoignait aucun désir, n’exprimait aucun contretemps. On lui portait, il est vrai, les plus grands égards ; il les recevait sans s’en apercevoir ; il parlait peu, et toujours le sujet était étranger à sa personne. Quiconque tombé subitement à bord aurait été témoin de sa conversation eût été bien loin sans doute de deviner à qui il avait affaire : ce n’était pas l’Empereur. Je ne saurais mieux le peindre dans cette circonstance, qu’en le comparant à ces passagers de haute distinction qu’on transporte avec grand respect au lieu de leur mission.

Notre séjour à Briars présenta une autre nuance. Napoléon, réduit presque à lui seul, ne recevant personne, tout à son travail, semblant