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d'hui, c’était un beau jour ; j’étais à Lyon, je passais des revues, j’avais le maire à dîner, qui, par parenthèse, s’est vanté depuis que c’était le plus mauvais dîner qu’il eût fait de sa vie. » L’Empereur s’est animé, il marchait à grands pas. « J’étais redevenu une grande puissance ! » continua-t-il ; et il a laissé échapper un soupir qu’il a relevé aussitôt par ces paroles, dont il serait difficile de tracer l’accent et la chaleur : « J’avais fondé le plus bel empire de la terre, et je lui étais si nécessaire qu’en dépit de toutes les secousses dernières, ici, sur mon rocher, je semble demeurer encore comme le maître de la France. Voyez ce qui s’y passe, lisez les journaux, vous le trouverez à chaque ligne. Qu’on m’y laisse pénétrer, on verra ce qu’elle est et ce que je puis ! » Et alors que d’idées, que de projets il a développés pour la gloire et le bonheur de la patrie ! Il a parlé longtemps avec tant d’intérêt et un tel abandon que nous pouvions oublier les heures, les lieux et les temps. En voici quelque chose :

« Quelle fatalité, disait-il, que l’on ne s’en soit pas tenu à mon retour de l’île d’Elbe ! que chacun n’ait pas vu que j’étais le plus propre et le plus nécessaire à l’équilibre et au repos européens ! Mais les rois et les peuples m’ont craint ; ils ont eu tort, et peuvent le payer chèrement. Je revenais un homme nouveau ; ils n’ont pu