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ques paroles de politique, il lui dit : « Mais la bonne, autrefois vous aviez le tyran Capet, à présent vous avez le tyran Napoléon ; que diable avez-vous gagné à tout cela ? » La force de l’argument, disait Napoléon, déconcerta la vieille pour un moment. Mais cependant elle se remit et lui répondit : « Mais pardonnez-moi, monsieur ; après tout, il y a une grande différence : nous avons choisi celui-ci, et nous avions l’autre par hasard ; l’un était le roi des nobles, l’autre est celui du peuple ; c’est le nôtre. – Et la bonne vieille avait raison, ajoutait l’Empereur, et elle découvrait là plus d’instinct et de bon sens que bien des gens d’une grande instruction et de beaucoup d’esprit. »

L’Empereur s’entoura de grands officiers de la couronne, il se composa une nombreuse maison d’honneur en chambellans, écuyers et autres ; il les prit et parmi les personnes nouvelles que la révolution avait élevées, et dans les familles anciennes qu’elle avait dépouillées. Les premiers se regardaient sur un terrain qu’ils avaient acquis, les autres sur un terrain qu’ils croyaient recouvrer. Pour l’Empereur, il ne cherchait dans ce mélange que l’extinction des haines et la fusion des partis. Toutefois il est aisé, dit-il, d’apercevoir des mœurs et des manières bien diffé-