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ment. Il le fait remarquer au ministre et dit : La somme a-t-elle été payée à Paris ? – Sans doute. – Les pièces bien vérifiées ? – Assurément. – Eh bien ! c’est une grande fraude, le détachement est à cent lieues d’ici : voyez dès aujourd’hui s’il y a du remède. »

« Je me fis rendre compte ; c’était une fraude hardie, commise à l’aide de formules imprimées, revêtues de signatures parfaitement imitées. »

L’Empereur regardait comme de la plus haute importance la séparation du ministère des finances d’avec celui du trésor : elle amenait la distinction des objets, et créait un contrôle mutuel. Le ministre du trésor était, sous un chef tel que lui (Napoléon), l’homme le plus important de l’empire, disait-il, non pas comme ministre du trésor, mais comme contrôleur général : toutes les ordonnances de l’empire lui passaient sous les yeux ; il pouvait donc découvrir les vols et les abus de quelque part qu’ils vinssent, et les faire connaître en secret au souverain ; ce qui arrivait en effet journellement.

La spécialité était un autre point sur lequel il s’arrêtait avec complaisance, comme ayant été un des ressorts les plus heureux de son administration.

Parlant du cadastre, tel qu’il l’avait arrêté, il disait qu’il eût pu être considéré à lui seul comme la véritable constitution de l’empire, c’est-à-dire la véritable garantie des propriétés, et la certitude de l’indépendance de chacun ; car, une fois établi, et la législature ayant fixé l’impôt, chacun faisait aussitôt son propre compte, et n’avait plus à craindre l’arbitraire de l’autorité ou celle des répartiteurs, qui est le point le plus sensible et le moyen le plus sûr pour forcer à la soumission. L’Empereur, durant cette conversation, a donné son opinion sur les talents et le caractère de MM. Gaudin, Mollien, Louis, ainsi que sur la plupart de ses autres ministres et conseillers d’État, et a terminé le sujet en concluant qu’il était venu à bout de créer une administration la plus pure et la plus énergique sans doute de l’Europe ; et qu’il en possédait tellement les détails lui-même, qu’il pensait qu’avec les Moniteurs seuls il serait en état de tracer d’ici l’histoire de toute l’administration financière de la France durant son règne.

Le 1er mars, sont arrivés des bâtiments venant du Cap ; l’un d’eux était le Wellesley, de soixante-quatorze canons, qui portait dans sa cale un autre vaisseau démonté. Ils avaient été construits tous les deux dans l’Inde en bois de teck, aux trois quarts meilleur marché qu’en Angleterre. Ce bois est excellent, et le vaisseau de nature à durer beaucoup