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composée de trois divisions piémontaises, d’une division autrichienne ayant quatre mille chevaux, était commandée par le général autrichien Colli, qui lui-même était aux ordres du général Beaulieu. Le reste des forces sardes tenait garnison dans les places, ou défendait les cols opposés à l’armée française des Alpes : elles étaient commandées par le duc d’Aoste. L’armée française était composée de quatre divisions actives, sous les généraux Masséna, Augereau, Laharpe et Serrurier : chacune de ces divisions pouvait, l’une portant l’autre, présenter six à sept mille hommes sous les armes. La cavalerie, de trois mille chevaux, était dans le plus mauvais état, quoiqu’elle eut été longtemps sur le Rhône pour se refaire ; mais elle y avait manqué de subsistances. L’arsenal d’Antibes et celui de Nice étaient bien pourvus, mais on manquait de moyens de transports : tous les chevaux de trait avaient péri de misère. La pénurie des finances était telle en France, que, malgré tous les efforts du gouvernement, on ne put donner que deux mille louis en espèces au trésor de l’armée pour l’ouverture de la campagne ; il n’y avait donc rien à espérer de la France. Toutes les ressources désormais ne pouvaient s’attendre que de la victoire. Ce n’était que dans les plaines d’Italie que l’on pouvait organiser les transports, atteler l’artillerie, habiller les soldats, monter la cavalerie. On conquérait tout cela, si l’on forçait l’entrée de l’Italie. L’armée française n’avait guère à la vérité que trente mille hommes, et on lui en présentait plus de quatre-vingt-dix mille. Si ces deux armées eussent eu à lutter dans une bataille générale, sans doute l’infériorité du nombre de l’armée française et son infériorité en artillerie et cavalerie ne lui eussent pas permis de résister ; mais ici on pouvait suppléer au nombre par la rapidité des marches ; à l’artillerie, par la nature des manœuvres au manque de cavalerie, par la nature des positions ; et le moral de nos troupes était excellent : tous les soldats avaient fait les autres campagnes d’Italie ou celles des Pyrénées.


III. Napoléon arrive à Nice. — Napoléon arriva à Nice du 26 au 29 mars. Le tableau de l’armée, qui lui fut présenté par Scherer, se trouva pire encore que tout ce qu’il avait pu s’imaginer. Le pain était mal assuré, depuis longtemps il ne se faisait plus de distributions de viande ; il ne fallait compter que sur deux cents mulets pour les transports, et l’on ne devait pas songer à conduire plus de douze pièces de canon : chaque jour la position empirait. Il ne fallait pas perdre un instant, l’armée ne pouvait plus vivre où elle était, il fallait avancer ou reculer.

Le général français donna des ordres pour que son armée se mît