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de la section Lepelletier qui venait saisir le parc ; mais il était à cheval ; on était en plaine : la section se retira ; et à six heures du matin les quarante pièces entrèrent aux Tuileries.


VI. Dispositions d’attaque et défense des Tuileries. — Depuis six heures jusqu’à neuf, Napoléon courut tous les postes, et plaça cette artillerie à la tête du pont Louis XVI, du pont Royal, de la rue de Rohan, au cul-de-sac Dauphin, dans la rue Saint-Honoré, au Pont-Tournant, etc., etc. ; il en confia la garde à des officiers sûrs. La mèche était allumée partout, et la petite armée distribuée aux différents postes, ou en réserve au jardin et au Carrousel.

La générale battait par tout Paris, et les gardes nationales se formaient à tous les débouchés, cernant ainsi le palais et les jardins. Leurs tambours portaient l’audace jusqu’à venir battre la générale sur le Carrousel et sur la place Louis XV.

Le danger était imminent, quarante mille gardes nationaux bien armés, organisés depuis longtemps, se présentaient animés contre la Convention ; les troupes de ligne, chargées de la défendre, étaient peu nombreuses, et pouvaient être facilement entraînées par le sentiment de la population qui les environnait. La Convention, pour accroître ses forces, donna des armes à quinze cents individus dits les patriotes de 89. C’étaient des hommes qui, depuis le 9 thermidor, avaient perdu leurs emplois, et quitté leurs départements où ils étaient poursuivis par l’opinion. On en forma trois bataillons, que l’on confia au général Berruyer. Ces hommes se battirent avec la plus grande valeur. Ils entraînèrent la troupe de ligne, et furent pour beaucoup dans le succès de la journée.

Un comité de quarante membres, sous la présidence de Cambacérès, et composé du comité de salut public et de sûreté générale, dirigeait toutes les affaires. On discutait beaucoup, on ne décidait rien, et le danger devenait à chaque instant plus pressant.

Les uns voulaient qu’on posât les armes, et qu’on reçût les sectionnaires comme les sénateurs romains avaient reçu les Gaulois. D’autres voulaient qu’on se retirât sur les hauteurs de Saint-Cloud, au camp de César, pour y être joint par l’armée des côtes de l’Océan. D’autres voulaient qu’on envoyât des députations aux quarante-huit sections pour leur faire diverses propositions. Pendant ces vaines discussions, et à deux heures après midi, un nommé Lafond déboucha sur le Pont-Neuf, venant de la section Lepelletier, à la tête de trois ou quatre bataillons, dans le temps qu’une autre colonne de même force venait de l’Odéon à sa rencontre : ils se réunirent sur la place Dauphine.