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nous continuions de rentrer ; mais comme réveillé tout à coup par ce mot impossible, qu’il a si souvent dit n’être pas français, il a ordonné d’aller reconnaître le terrain ; nous avons tous mis pied à terre ; la calèche seule a continué vers le point difficile ; nous l’avons vue franchir les obstacles, et nous sommes rentrés triomphants, comme si nous venions de doubler nos possessions.

Pendant le dîner et après, on a parlé de divers faits d’armes. Le grand maréchal disait que ce qui l’avait le plus frappé dans la vie de l’Empereur était le moment, à Eylau, où, seul avec quelques officiers de son état-major, il se trouva presque heurté par une colonne de quatre à cinq mille Russes : l’Empereur était à pied ; le prince de Neufchâtel fit aussitôt avancer les chevaux ; l’Empereur lui lance un regard de reproche, donne l’ordre de faire avancer un bataillon de sa garde, qui était assez loin en arrière, et demeure immobile, répétant plusieurs fois, à mesure que les Russes approchaient : Quelle audace ! quelle audace ! À la vue des grenadiers de la garde, les Russes s’arrêtèrent net. « Il était plus que temps, disait Bertrand ; l’Empereur n’avait pas bougé ; tout ce qui l’entourait avait frémi. »

L’Empereur avait écouté ce récit sans aucune observation, mais il a ensuite ajouté qu’une des plus belles manœuvres qu’il se rappelait était celle qu’il avait exécutée à Eckmulh. Malheureusement il n’en a point dit