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comme Nabuchodonosor. Et que pourrais-je faire. Il n’y a aucun remède à cela. » Le docteur sortit, concevant à peine la gaieté, l’indifférence, le naturel dont il venait d’être témoin ; pour nous, nous y étions désormais accoutumés.


L’Empereur se décide à apprendre l’anglais.


Mardi 16.

Sur les trois heures, l’Empereur m’a fait venir pour causer pendant qu’il faisait sa toilette ; nous avons été ensuite faire quelques tours dans le jardin. Il est venu à remarquer qu’il était honteux qu’il ne sût pas encore lire l’anglais. Je l’ai assuré que s’il avait continué, après les deux leçons que je lui avais données aux environs de Madère, il lirait aujourd’hui toute espèce de livres anglais. Il en demeurait convaincu, et m’a commandé alors de le forcer chaque jour à prendre une leçon. De là la conversation a conduit à faire savoir que je venais de donner à mon fils sa première leçon de mathématiques ; c’est une partie que l’Empereur aime beaucoup, dans laquelle il est très fort. Il s’est étonné que je montrasse à mon fils d’abondance, sans livre et sans cahier ; il ne me savait pas de cette force, disait-il, et m’a menacé alors de le voir parfois, à l’improviste, examiner le maître et l’écolier. À dîner il a entrepris ce qu’il a appelé M. le professeur de mathématiques, et bien lui en a pris d’être ferré ; une question n’attendait pas l’autre ; souvent elles étaient fort subtiles. Il ne revenait pas, du reste, que dans les lycées on ne montrât pas de très bonne heure les mathématiques ; il disait qu’on avait gâté toutes ses intentions touchant son université, se plaignait fort de M. de Fontanes, se récriant sur ce qu’on lui gâchait tout chez lui pendant qu’il était contraint d’aller faire la guerre au loin, etc., etc.


Première leçon d’anglais, etc..


Mercredi 17.

Aujourd’hui l’Empereur a pris sa première leçon d’anglais ; et comme mon grand but était de le mettre à même de lire promptement les papiers-nouvelles, cette première leçon n’a consisté qu’à faire connaissance avec une gazette anglaise, à en étudier les formes et le plan, à connaître le placement toujours uniforme des divers objets qu’elle renferme, à séparer les annonces et les commérages de ville d’avec la politique, et dans celle-ci apprendre à discerner ce qui est authentique d’avec ce qui n’est qu’un bruit hasardé.

Je me suis engagé, si l’Empereur avait la constance de s’ennuyer tous les jours de pareilles leçons, à ce que dans un mois il pût lire les journaux sans le secours d’aucun de nous. L’Empereur ensuite a voulu faire quel-