Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/282

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dés avec l’émotion de l’empressement et de la joie, et l’inquiétude d’être aperçu par nos surveillants du dehors. Il ne parlait qu’anglais, et me disait avec précipitation avoir bravé deux fois l’obstacle des sentinelles et tous les dangers d’une défense sévère pour voir de près l’Empereur ; qu’il obtenait ce bonheur ; disait-il tout en le considérant ; qu’il mourrait content ; qu’il faisait des vœux au ciel pour que Napoléon se portât bien et qu’il fût un jour plus heureux. Je l’ai congédié ; et, en nous abandonnant, il se cachait encore derrière les arbres, les haies, afin de nous apercevoir plus longtemps. Nous recevions souvent ainsi des preuves non équivoques du sentiment bienveillant de ces marins. Ceux du Northumberland surtout se croyaient désormais des rapports établis avec l’Empereur. Lors de notre séjour à Briars, où notre réclusion était moins complète, ils venaient souvent rôder le dimanche autour de nous, disant qu’ils venaient revoir leur compagnon de vaisseau (ship’s mate). Le jour où nous quittâmes cet endroit, étant seul avec l’Empereur dans le jardin, il s’en était présenté un à la porte, me demandant s’il pouvait y faire un pas sans offenser. Je lui demandai son pays et sa religion. Sa réponse fut plusieurs signes de croix rapides en signe d’intelligence et de fraternité ; puis, fixant l’Empereur devant lequel il se trouvait, et levant les yeux au ciel, il commença avec lui-même une conversation de gestes que sa grosse