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s’est arrêté devant une des plates-bandes à considérer une fleur, et m’a demandé si ce n’était pas là un lis ; c’en était un magnifique « Ah ! voilà donc, a dit l’Empereur, la fleur, l’emblème des Bourbons ! Cet éclat, cette blancheur sans tache, peut prêter en effet à beaucoup de jolies choses ; mais pourquoi faut-il que la stupidité des Bourbons dans leurs derniers actes soit venue à bout de rendre tout cela odieux, antipathique à nos populations ! »

Après le dîner, durant notre reversi accoutumé, dont l’Empereur commençait du reste à se fatiguer : « Où croyez-vous, m’a-t-il dit tout à coup, que soit en ce moment madame de Las Cases ? – Hélas ! Sire, lui ai-je répondu, Dieu le sait ! – Elle est à Paris, a-t-il continué ; c’est aujourd’hui mardi, il est neuf heures, elle est à l’Opéra. – Non, Sire, elle est trop bonne femme pour être au spectacle quand je suis ici. – Voilà bien les maris, disait l’Empereur en riant, toujours confiants et crédules ! » Puis passant au général Gourgaud, il l’a plaisanté de même sur sa mère et sa sœur[1]. Celui-ci s’en attristant beaucoup, et ses yeux se mouillant,

  1. Le général Gourgaud avait pour sa mère et sa sœur une tendresse extrême ; il en était aimé de même. Ses soins pour elles allaient au point de leur peindre, dans ses lettres, Sainte-Hélène comme un lieu de délices, afin de les tranquilliser sur son compte-c’étaient des forêts d’orangers, de citronniers, un printemps perpétuel, en un mot. Et les ministres anglais n’ont pas rougi plus tard de faire tourner contre lui ces innocentes supercheries de sa sollicitude filiale !!!