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n’y avait pas d’étranger, ce que j’allais préalablement vérifier au travers des croisées.

Dans une de ces promenades, l’Empereur s’étendit beaucoup sur le Sénat, le Corps Législatif, et le Conseil d’État surtout. Il avait, disait-il, tiré vraiment un grand parti de celui-ci, dans tout le cours de son administration. Je vais tracer ici quelques détails sur ce Conseil d’État, d’autant plus volontiers qu’on en avait fort peu d’idée dans les salons ; et comme il ne subsiste plus aujourd’hui sur le même pied, j’intercalerai ici, chemin faisant, quelques lignes sur son mécanisme et ses attributions.

« Le Conseil d’État était généralement composé, disait l’Empereur, de gens instruits, bons travailleurs et de bonne réputation : Fermont et Boulay, par exemple, sont certainement de braves et honnêtes gens. Malgré les immenses affaires litigieuses qu’ils ont gérées, et les gros émoluments dont ils jouissaient, on ne me surprendrait pas du tout si l’on m’apprenait qu’aujourd’hui ils sont tout au plus au-dessus de l’aisance. »

L’Empereur employait individuellement les conseillers d’État à tout, disait-il, et avec avantage. En masse, c’était son véritable conseil, sa pensée en délibération, comme les ministres étaient sa pensée en exécution.

Au Conseil d’État se préparaient les lois que l’Empereur présentait au Corps Législatif, ce qui le rendait tout à fait un des éléments de la puissance législative ; là se rédigeaient les décrets de l’Empereur, ses règlements d’administration publique ; là s’examinaient, se discutaient et se corrigeaient les projets de ses ministres, etc.

Le Conseil d’État recevait l’appel et prononçait en dernier ressort sur tous les jugements administratifs ; accidentellement, sur tous les autres tribunaux, même sur la Cour de cassation. Là s’examinaient aussi les plaintes contre les ministres ; les appels mêmes de l’Empereur à l’Empereur mieux informé. Ainsi le Conseil d’État, constamment présidé par l’Empereur, et souvent en opposition directe avec les ministres, ou en réformation de leurs actes et de leurs écarts, se trouvait donc naturellement le refuge des intérêts ou des personnes lésés par quelque autorité que ce fût ; et quiconque y a assisté sait avec quelle chaleur la cause des citoyens s’y trouvait défendue. Une commission de ce Conseil recevait toutes les pétitions de l’empire, et mettait sous les yeux du souverain celles qui méritaient son attention.

Il est étonnant combien, à l’exception des gens de lois et des employés de l’administration, le reste, parmi nous, et surtout ce qu’on