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directement ni indirectement, de près ni de loin, je n’ai rien fait qui pût se rapporter à cela : c’est ce qu’auront pensé sans doute, dans le temps, les gens réfléchis qui m’accordaient de n’être ni fou ni imbécile.

« Toutefois la rumeur causée par cette circonstance me porta à faire rechercher ce qui pouvait y avoir donné lieu, et voici ce que j’ai pu recueillir.

« Au temps de notre intelligence avec la Prusse, et lorsqu’elle s’occupait de nous être agréable, elle fit demander si de souffrir des princes français sur son territoire nous causerait de l’ombrage, et on répondit que non. Enhardie, elle demanda si on aurait une trop grande répugnance à la mettre à même de leur procurer des secours annuels ; on lui répondit encore que non, pourvu qu’elle garantît qu’ils demeureraient tranquilles et s’abstiendraient de toute intrigue.

Cette affaire se traitant entre eux, et la négociation une fois en train. Dieu sait ce que le zèle de quelque agent, ou même les doctrines du cabinet de Berlin, qui n’étaient pas les nôtres, peuvent avoir proposé ! Voilà sans doute le motif et le prétexte qui donnèrent lieu à cette belle lettre de Louis XVIII, qui fut fort admirée, et à laquelle adhérèrent avec éclat tous les membres de sa famille. Ces princes saisirent avidement cette occasion pour réveiller en leur faveur l’intérêt et l’attention de l’Europe qui, distraite par les grands évènements du temps, ne s’en occupait plus. »


Emploi des journées – Conseil d’État, scène grave ; dissolution du Corps Législatif en 1813 – Sénat.


Mercredi 1er au samedi 4 novembre.

Nos journées avaient déjà toute l’uniformité de celles que nous passions à bord du vaisseau. L’Empereur me faisait appeler pour déjeuner avec lui : c’était de dix à onze heures. Le déjeuner fini, après une demi-heure de conversation, je lui lisais ce qu’il avait dicté la veille, et il me dictait de nouveau pour le lendemain. L’Empereur ne s’habillait plus dès le matin ; il ne sortait plus avant le déjeuner, cela lui avait rendu la journée trop décousue et trop longue. Il ne s’habillait plus à présent que sur les quatre heures. Il sortait alors, pour qu’on pût faire son lit et nettoyer sa chambre. Nous allions nous promener dans le jardin. Il affectionnait cette solitude ; je fis couvrir d’une toile l’espèce de berceau qui s’y trouve : on y apporta une table, des chaises, et dès ce moment ce fut là que