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à sa camarade de même espèce, pour lui apprendre la fameuse décision du Sénat touchant la déchéance et la proscription de Napoléon : « Ma chère amie, mon mari rentre, il est mort de fatigue ; mais ses efforts l’ont emporté, nous sommes délivrés de cet homme, et nous aurons les Bourbons. Dieu soit loué, nous serons donc de vraies comtesses ! etc. »

Parmi ces pièces, Napoléon eut la mortification d’en rencontrer de très inconvenantes sur sa personne, et cela de la main même de certains qui la veille étaient accourus près de lui et tenaient déjà de ses faveurs. Dans son indignation, sa première pensée fut d’imprimer ces pièces, et de retirer ses bienfaits ; un second mouvement l’arrêta. « Nous sommes si volatils, si inconséquents, si faciles à enlever, disait-il, qu’il ne me demeurait pas prouvé, après tout, que ces mêmes gens ne fussent pas revenus réellement de bon cœur à moi ; et j’allais peut-être les punir quand ils recommençaient à bien faire ; il valait mieux ne pas savoir, et je fis tout brûler. »


L’Empereur commence la campagne d’Égypte avec le grand maréchal – Anecdotes sur brumaire, etc. – Lettre du comte de Lille – La belle duchesse de Guiche.


Samedi 28 au mardi 31.

Nous travaillions mon fils et moi avec la plus grande constance. Il commençait à être malade, la poitrine lui faisait mal ; mes yeux se perdaient ; nous souffrions réellement de notre grande occupation : il est vrai que nous avions fait un travail étonnant ; nous étions déjà presque à la fin des campagnes d’Italie.

N.B. Je conserve encore quelques-unes de ces premières dictées de l’Empereur. Bien qu’elles aient éprouvé depuis des variations et reçu un plus grand développement, ce premier jet n’en est pas moins précieux, ne fût-ce même que par sa comparaison avec les idées arrêtées plus tard. Aussi je ne résisterai pas à les reproduire. On les trouvera jetées pêle-mêle dans ce journal ; malheureusement je n’en ai qu’un fort petit nombre ; lors de mon enlèvement de Longwood et de la saisie de mes papiers, l’Empereur fit réclamer ce que je pouvais avoir des campagnes d’Italie, pour les soustraire à sir H. Lowe ; j’en renvoyai ce qui tomba sous mes mains. En ayant retrouvé plus tard quelques autres cahiers, je fis demander à l’Empereur, au moment de mon départ, qu’il me permît de les garder en souvenir de lui. Il me fit répondre qu’il y consentait avec plaisir, sachant que ce qui demeurait entre mes mains était encore comme si cela n’était pas sorti des siennes.