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tres lettres très confidentielles du roi pareillement de sa main. Mais comment se trouvaient-elles là ? Comment lui étaient-elles revenues ? Cela était plus difficile à expliquer. Elles étaient de cinq à six pages, fort purement écrites, de beaucoup d’esprit, disait l’Empereur, mais très abstraites et fort métaphysiques. Dans l’une, le prince disait à la personne à laquelle ils’adressait : Jugez, Madame, si je vous aime, vous m’avez fait quitter le deuil. Et ce deuil, disait l’Empereur, amenait de longs paragraphes d’un style tout à fait académique. L’Empereur ne devinait pas à qui cela pouvait s’adresser, ni ce que ce deuil pouvait signifier ; j’étais hors d’état de pouvoir lui donner aucun renseignement.

C’est sur une de ces tables que deux ou trois jours après avoir reconfirmé quelqu’un à la tête d’une institution célèbre, l’Empereur trouva un mémoire de cette personne, qui assurément l’eût empêché de la nommer de nouveau, par la manière dont elle s’y exprimait à l’égard de lui et de toute sa famille.

Il y avait encore beaucoup d’autres pièces de cette nature ; mais les véritables archives de la bassesse, du mensonge et de la vilenie, se trouvaient dans les appartements de M. de Blacas, grand maître de la garde-robe, ministre de la maison : ils étaient pleins de projets, de rapports et de pétitions de toute espèce. Il était peu de ces pièces où l’on ne se fît valoir aux dépens de Napoléon qu’on était assurément bien loin d’attendre. Le tout était si volumineux que l’Empereur fut obligé de nommer une commission de quatre membres pour en faire le dépouillement ; il regarde comme une faute de n’avoir pas confié ce dépouillement à une seule personne, et tellement à lui qu’il fût sûr qu’on n’y aurait rien soustrait. Il a eu des raisons de croire qu’il y eût trouvé déjà des indices salutaires sur les perfidies dont il s’est vu entouré à son retour de Waterloo.

On trouva, entre autres, une longue lettre d’une des femmes de la princesse Pauline. Cette volumineuse lettre s’exprimait fort mal sur la princesse et ses sœurs, et ne parlait de cet homme (c’était l’Empereur) que sous les plus mauvaises couleurs. On n’avait pas cru que ce fût assez, on en avait raturé une partie, et interligné d’une main étrangère, pour y faire arriver Napoléon lui-même de la manière la plus scandaleuse ; et à la marge, et de la main de l’interligneur, il y avait : Bon à imprimer. Quelques jours de plus, probablement ce petit libelle allait voir le jour.

Une parvenue, tenant un rang distingué dans l’État et dans l’instruction publique, courbée sous les bienfaits de l’Empereur, écrivait en toute hâte