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nous nous mettions ensuite au travail. Je lui lisais ce qu’il m’avait dicté la veille, et que mon fils avait recopié le matin ; il le corrigeait, et me dictait pour le lendemain. Nous ressortions sur les cinq heures, et revenions dîner à six heures, si toutefois le dîner était arrivé de la ville. La journée était bien longue, les soirées l’étaient bien plus encore. Malheureusement je ne connaissais pas les échecs, j’eus un moment envie de les apprendre la nuit ; mais comment, et de qui ? Je me donnai pour savoir un peu le piquet, l’Empereur s’aperçut bientôt de mon ignorance, il tint compte de mon intention, mais cessa. Quelquefois le désœuvrement le conduisait dans la maison voisine, où les petites demoiselles le faisaient jouer au whist. Plus souvent encore il restait à table après le dîner, et causait assis ; car la chambre était trop petite pour s’y promener.

Un de ces soirs, il se fit apporter un petit nécessaire de campagne, en examina minutieusement toutes les parties, et me le donna, disant : « Il y a bien longtemps que je l’ai, je m’en suis servi le matin de la bataille d’Austerlitz. Il passera au petit Emmanuel, continua-t-il en regardant mon fils. Quand il aura quatre-vingts ans, nous ne serons plus, mon