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L’Empereur se fixe à Briars : séjour d’un mois et vingt-quatre jours — Descriptions — Situation misérable.


Mardi 17.

À six heures du matin, l’Empereur, le grand maréchal et l’amiral allèrent à cheval-visiter Longwood (long bois), maison qui avait été arrêtée pour sa résidence, et située à deux ou trois lieues de la ville. À leur retour, ils virent une petite maison de campagne dans le prolongement de la vallée, à deux milles au-dessus de la ville. L’Empereur répugnait extrêmement à retourner où il avait couché ; il s’y fût trouvé dans une réclusion plus complète encore qu’à bord du vaisseau : des sentinelles gardaient les portes, des curieux se groupaient sous ses fenêtres ; il eût donc été réduit strictement à sa chambre. Un petit pavillon dépendant de cette petite maison de campagne lui plut, et l’amiral convint qu’il y serait mieux qu’à la ville. L’Empereur s’y fixa et m’envoya chercher ; il s’était tellement attaché à son travail des campagnes d’Italie, qu’il ne pouvait plus s’en passer ; je me mis aussitôt en route pour le joindre.

La petite vallée où s’élève le hameau de Sainte-Hélène se prolonge dans l’île longtemps encore, en serpentant au milieu de deux chaînes de montagnes toutes nues qui la bordent et la resserrent. Il y règne constamment un beau chemin de voitures très bien entretenu ; au bout de deux milles environ, ce chemin n’est plus tracé que sur le flanc de la montagne même, sur lequel il s’appuie à gauche, ne montrant plus que des précipices et des abîmes sur son bord de la droite. Mais bientôt le terrain s’élargit en face, et présente un petit plateau où se trouvent quelques bâtisses, de la végétation et plusieurs arbres : c’est une espèce de petite oasis au milieu des rochers. Là était la demeure modeste d’un négociant de l’île (M. Balcombe). À trente ou quarante pas, à droite de la maison principale, et sur un tertre à pic, se voit une espèce de guinguette ou petit pavillon servant à la famille, dans les beaux jours, pour aller prendre le thé et respirer plus à l’aise : c’était là le réduit loué par l’amiral pour la demeure temporaire de l’Empereur, qui l’occupait depuis le matin. Tout en gravissant les contours du monticule, qui sont très rapides, je l’aperçus en effet de loin, et le contemplai. C’était bien lui, un peu courbé, les mains derrière le dos ; cet