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serez pas plus heureux contre ma pauvreté ; je ne veux rien, et mon refus sera la richesse de mes enfants. »

Qui croirait qu’un tel acte dont on devrait être si fier d’embellir notre histoire et qu’on devrait être si empressé de présenter à l’imitation, viendrait échouer deux fois contre la proposition d’une récompense et d’une consécration nationales ! Comment expliquer un pareil refus que de meilleurs temps tiendront pour incroyable !

L’armée française s’était acquis en Égypte une réputation sans égale, et elle la méritait ; elle avait dispersé et frappé de terreur les célèbres Mamelouks, la milice la plus redoutable de l’Orient. Après la retraite de Syrie, une armée turque vint débarquer à Aboukir ; Mourad-Bey, le plus brave et le plus capable des Mamelouks, sortit de la haute Égypte où il s’était réfugié, et gagna, par des chemins détournés, le camp des Turcs. Au débarquement de ceux-ci, les détachements français s’étaient repliés pour se concentrer : fier de cette apparence de crainte, le pacha qui commandait dit avec emphase, en apercevant Mourad-Bey : « Eh bien ! ces Français tant redoutés, dont tu n’as pu soutenir la présence, je me montre, les voilà qui fuient devant moi ! » Mourad-Bey, vivement blessé, lui ré-