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de compagnie pour émigrer en Espagne ; une patrouille les rencontre : Hédouville, plus jeune, plus leste, franchit la frontière, se croit très heureux, et va végéter misérablement en Espagne. Serrurier, obligé de rebrousser dans l’intérieur, et s’en désolant, devient maréchal : voilà pourtant ce qui en est des hommes, de leurs calculs et de leur sagesse !

À Saint-Jean-d’Acre, le général en chef perdit Caffarelli, qu’il aimait extrêmement et dont il faisait le plus grand cas ; celui-ci portait une espèce de culte à son général en chef ; l’influence était telle, qu’ayant eu plusieurs jours de délire avant de mourir, lorsqu’on lui annonçait Napoléon, ce nom semblait le rappeler à la vie ; il se recueillait, reprenait ses esprits, causait avec suite, et retombait aussitôt après son départ : cette espèce de phénomène se renouvela toutes les fois que le général en chef vint auprès de lui.

Napoléon reçut, durant le siège de Saint-Jean-d’Acre, une preuve de dévouement héroïque et bien touchante : étant dans la tranchée, une bombe tomba à ses pieds ; deux grenadiers se jetèrent aussitôt sur lui, le placèrent entre eux deux, et, élevant leurs bras au-dessus de sa tête, le