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ordre et hauteur. Peut-être est-il appelé à choisir un jour dans la place du Caire tout ce qu’il conseillait d’y prendre. »

Une autre fois des Arabes, avec lesquels on était en inimitié, pénétrèrent dans un village de la frontière, et un malheureux fellah (paysan) fut tué. Le sultan Kébir entra dans une grande colère, et donna l’ordre de poursuivre la tribu dans le désert jusqu’à extinction, jurant d’en obtenir vengeance. Cela se passait devant les grands cheiks ; l’un d’eux se prit à rire de sa colère et de sa détermination : « Sultan Kébir, lui dit-il, vous jouez là un mauvais jeu : ne vous brouillez pas avec ces gens-là, ils peuvent vous rendre dix fois plus de mal que vous ne pourriez leur en faire. Et puis pourquoi tant de bruit ? Parce qu’ils ont tué un misérable ? Est-ce qu’il était votre cousin (expression proverbiale chez eux)? – Il est bien mieux que cela, reprit vivement Napoléon, tous ceux que je gouverne sont mes enfants ; la puissance ne m’a été donnée que pour garantir leur sûreté. » Tous les cheiks, s’inclinant à ces paroles, dirent : « Oh ! c’est beau ! tu as parlé comme le prophète. »